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REVUE. — CHRONIQUE.

dont il rend compte avec la même et littérale exactitude que de ses livres. Lisez le journal de M. Jay ! M. Jay monte à la tribune un cahier à la main. Comme l’orateur sait d’avance l’effet qu’il va produire, il écrit en marge du manuscrit qu’il envoie à l’imprimerie : profond silence, profonde attention. Au troisième paragraphe de sa harangue, il ajoute, entre parenthèses, cette scholie précieuse : unanimes applaudissemens. Puis, quand il descend de la tribune, il termine sa péroraison par cette admirable formule dont l’absence malheureuse dépare les Olynthiaques et les Philippiques : l’orateur reçoit les félicitations de la chambre. Vienne maintenant un Quintilien qui écrive l’histoire de l’éloquence française dans cinquante ans, et M. Jay est assuré d’avance d’y occuper un chapitre mémorable ! comme il a pris soin lui-même de commenter toutes les parties de son génie, l’érudition aura beau jeu à se croiser les bras ! Sa besogne est toute faite. Elle ne peut sans ingratitude refuser ses louanges à un homme qui a cumulé si habilement le rôle de Virgile et celui de Heyne, celui d’Homère et d’Ernesti.

Ainsi nous savons à n’en pouvoir douter que M. Jay est un des premiers publicistes d’Europe. À vrai dire, je ne puis me défendre d’une sorte d’inquiétude ; je me demande avec étonnement quelle partie du droit politique ou de la diplomatie il a bien voulu éclairer de ses lumineuses investigations.

Je ne sais pas au juste s’il a réfuté M. Bignon ou M. Ancillon, s’il a traité des états d’Allemagne ou des relations de la Russie et la Porte, s’il a dévoilé la stratégie du cabinet autrichien, ou les ruses, quelque peu boutiquières, du cabinet de Londres ; mais je ne suis qu’un ignorant, et indigne de toucher à de pareilles questions. Qu’il me suffise de savoir que M. Jay a distribué, comme la manne céleste, à ses lecteurs assidus, au nombre desquels je prie qu’on ne me compte pas, les trésors de sa science et de sa logique.

Si M. Jay entre à l’Académie, c’en est fait de la poésie nouvelle. Lamartine et Châteaubriand seront réduits au silence, et contraints de l’écouter. L’auteur de Jacques Delorme, une fois assis sur le fauteuil immortel comme sur le trône pontifical, va