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fulminer contre la jeunesse égarée une bulle d’interdiction. Dans six mois, il ne sera plus question des tentatives téméraires qui prétendent se substituer au siècle dernier. On ne parlera plus de ces Erostrates qui veulent, à ce qu’assure M. Jay, incendier le temple de la gloire, parce qu’ils ne peuvent y entrer.

Je serais pas fâché que M. Jay siégeât à l’Académie. Il me semble qu’il serait bien, placé entre l’auteur de Sigismond de Bourgogne et l’auteur d’Anaximandre. Heureux ceux qui pourront être admis à recueillir les précieuses paroles qui vont tomber de ces lèvres privilégiées. M. Andrieux qui démontre la littérature par la morale, qui explique la vertu par le bon goût, mais qui accorde cependant à Shakespeare quelques belles scènes ; M. Viennet qui a vanné les chroniques de France en vingt-huit mille alexandrins, dont il nous prive avec une impardonnable ingratitude, comme si nous ne l’avions pas applaudi, écouteraient avec joie, je m’assure, les sages conseils de M. Jay. Tous les trois composeraient à notre usage un manuel de poésie, de morale et de politique. Nous saurions à quoi nous en tenir sur le passé : on ne prononcerait plus un blasphème littéraire. L’Écosse et l’Allemagne s’humilieraient, Goethe et Schiller disparaîtraient de nos bibliothèques.

Décidément, je donne ma voix à M. Jay.

Et si vous me parlez de M. Thiers et de M. Guizot, je vous répondrai : Qu’ils ont à coup sûr des titres éclatans et réels ; qu’ils ont peut-être sauvé la France, à leur manière, mais qu’ils n’ont pas jusqu’ici pris soin de le prouver aussi nettement que MM. Jay et Salvandy. Je ne parle pas de l’Histoire de la Révolution française : c’est un beau livre, je l’avoue ; mais la question n’est pas là. Qu’importe à l’Académie que la campagne de l’Adige et la campagne d’Égypte aient été racontées par un avocat d’Aix avec une animation et une énergie dont notre langue n’avait pas encore donné d’exemple ? qu’il ait analysé avec une admirable clarté les finances de la Convention ? qu’il ait rendu palpables aux esprits les plus ignorans les questions les plus délicates et les plus obscures ? qu’il ait popularisé les grandes figures et les magnanimes caractères de la Constituante et de la