Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/649

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
634
REVUE DES DEUX MONDES.

ce qu’une pareille révélation a de fatal pour l’enthousiasme, l’idée qu’on doit prendre de Mirabeau en est plutôt rectifiée que rapetissée. M. Dumont a fort bien compris et exprimé que l’homme qui savait atteler de la sorte et diriger, pour ainsi dire, du geste ou du fouet tant d’hommes remarquables, n’en était que plus extraordinaire lui-même. Nous renvoyons au livre pour plus de détails, et nous regretterons que la mémoire de M. Dumont, dans sa nudité trop métaphysique, ait omis d’en réunir et d’en fixer un grand nombre, dont les circonstances, il l’avoue, lui étaient échappées déjà, quand il se mit à rédiger ces Souvenirs. Quoi qu’il en soit, il en a dit assez pour ramener à une réalité vivante cette forte figure de Mirabeau, dont on est si porté aujourd’hui à faire un type colossal, un trophée gigantesque comme de Napoléon et d’autres grands hommes, qu’on amplifie sans mesure. Littérairement, je ne suis pas fâché que quelques-uns des discours qu’on admire sous son nom ne soient pas de lui. Le génie oratoire de Mirabeau se liait intimement au débit, au ton, à l’éclat de la voix, aux admirables apostrophes qu’il ne devait qu’à sa passion du moment. Quant au reste, ce sont des membres épars : le chef y manque, et l’on n’est pas bien sûr de savoir à qui ils appartiennent.



CONTES BRUNS,
PAR UNE TÊTE À L’ENVERS.[1]


Ce recueil de contes est très inégal. Il y a telle page écrite avec une grande inexpérience ou un mépris réel peut-être des formes les plus ordinaires du langage, mais où se révèle une imagination assez riche, ardemment colorée, un grand talent de conteur, un art assez savant pour suspendre et ralentir la marche d’un récit, pour envelopper l’attention du lecteur dans les ambages d’une fable habilement ourdie ; telle autre où les périodes les plus harmonieusement arrondies essaient vainement, comme les lignes d’une armée sans profondeur, de masquer la pauvreté du sujet, quelquefois même l’absence du sujet. Parfois il arrive que toute cette bijouterie de style n’enchatonne que du verre au lieu de rubis, que toutes ces tentatives adroites, toutes ces coquetteries lascives n’aboutissent qu’au désappointement. On croit manger un fruit et l’on mord dans la cendre. Puis arrivent des pages plus nues et plus désertes encore qui ne contiennent ni paroles ni pensées.

  1. Chez Urbain Canel et Guyot. 1 vol. in-8o, orné d’une vignette, dessinée par Tony Johannot, et gravée par Thompson.