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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

tout au plus si nous n’avions pas même oublié que c’était un rivage ennemi que nous foulions, lorsque arriva le moment où il fallut bien s’en souvenir. Un cavalier arabe, en vedette, se montra caracolant sur une colline éloignée tout-à-fait hors de portée ; il ne nous lâcha pas moins son coup de carabine en manière de déclaration de guerre. Pour ne pas demeurer en reste avec lui, nous répondîmes avec un obusier : il en vit le feu, et, pour éviter le coup, lança son cheval au galop. Mais sur quel coursier fuir sa destinée ? Gagnant un quine de malheur, atteint d’un coup qui, à cette distance et sur un but aussi mobile, serait demeuré unique entre mille, l’Arabe et son cheval, après avoir bondi sous le choc de l’obus et chancelé une ou deux secondes, tombèrent enfin, provoquant dans tous nos rangs, je dois l’avouer, de longues et bruyantes risées.

Peu de temps après cet incident, des boulets et des obus qui traversèrent nos rangs, nous avertirent qu’il était temps de prendre un parti. L’ennemi était en position. À la direction de ses feux, nous vîmes que par sa droite il s’appuyait à la mer, à l’est de la presqu’île, pendant que nous étions débarqués à l’ouest ; sa gauche refusait ; son front était couvert de broussailles épaisses ; il venait de nous montrer que sur ce front il avait de l’artillerie de même qu’à sa droite : il était vraisemblable que la gauche n’en était pas dégarnie. Il s’agissait donc de le tourner par une de ses ailes. Mais par laquelle ? Il fallut délibérer quelques instans sur cette question. Cependant comme c’était à droite que le terrain était le plus élevé, que de là il dominait les côtes est et ouest de la presqu’île ; qu’ainsi ce point était également important pour lui, que nous eussions débarqué sur l’une ou l’autre, il était à croire qu’il avait rassemblé là ses plus grands moyens de défense ; comme de plus, en attaquant par sa gauche, nous avions l’avantage de pouvoir cheminer long-temps cachés par les broussailles, ce dernier mode d’attaque fut définitivement choisi.

Pour l’exécuter, notre division, la seule qui fût à terre, se mit en mouvement. Nous marchâmes par brigades, en colonnes serrées, par divisions. La deuxième brigade devait faire une démonstration sur le front de l’ennemi ; la première, avec laquelle marchait le lieutenant-général, et la troisième, le déborder par sa gauche. Mais à peine eûmes-nous marché quelque temps de la sorte, qu’il fallut modifier cette disposition ; la deuxième brigade souffrait beaucoup de l’artillerie ennemie. La faire continuer