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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

de confiance en lui-même, et de l’idée de sa supériorité sur l’ennemi. Le coup d’œil exercé et la vieille expérience du général Berthezène qui le portèrent à proposer au général en chef l’attaque que nous avions exécutée l’avaient donc bien conseillé.

Arrivés ainsi au terme de notre première journée, nous prîmes position, en nous étendant sur une ligne oblique à celle qu’occupait l’ennemi. Vous pourriez peut-être vous en faire quelque idée ? si vous la supposez courbe, passant à sa gauche par les sommets de plusieurs collines, se prolongeant à droite sur un plateau, en face duquel se trouvait un ravin ; et si vous lui donnez enfin pour centre la gorge de la presqu’île. En face de nous étaient d’autres collines plus élevées que celles que nous couronnions, et au-delà un grand plateau fort au-dessus du niveau de la mer où se trouvait le camp des Turcs ; circonstance qu’alors nous ignorions complètement. La deuxième division, débarquée pendant notre attaque, avait pris notre droite. La troisième fut chargée du service des transports, et en même temps de la construction d’un camp retranché pour défendre la presqu’île. Le général en chef et le quartier-général demeurèrent à Sidi-Feruch.

Deux jours après arriva l’épisode obligé des expéditions d’Afrique, qui pour la première fois n’en amena pas le dénoûment : un ouragan terrible. Ce furent des tourbillons de grêle et de pluie si épais, qu’on n’y voyait pas à dix pas ; un vent tellement impétueux, qu’il forçait nos chevaux à se coucher, brisait les arbres, balayait les broussailles comme de la poussière ; le tonnerre à-la-fois en cinq ou six endroits du ciel, et la mer tantôt découvrant une large plage, tantôt venant s’y dérouler en lames furieuses, avec d’épouvantables mugissemens. Presqu’au même instant les vaisseaux étaient droits sur leur quille ou couchés par leur travers ; un grand nombre d’entre eux chassait sur leurs ancres ; quelques-uns tiraient le canon d’alarme, menacés qu’ils étaient de faire côte ou de s’aller briser les uns contre les autres ; le rivage ne cessait de se couvrir de débris. C’était un spectacle effrayant à contempler. Ce qui néanmoins l’était bien davantage encore, ce qui éveillait dans les esprits de bien d’autres craintes que les longs éclats de la foudre, toujours retentissante, c’étaient les souvenirs de tant d’autres expéditions terminées par de semblables évènemens ; c’étaient surtout, comme planant au milieu de la tempête, ceux de l’immense désastre de Charles-Quint, dont