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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

comme nous ne trouvâmes aucune résistance, le général en chef se décida à pousser en avant.

À peine eûmes-nous fait une couple de lieues et franchi un rideau de collines qui de ce côté bornaient la plaine, que le pays changea d’aspect. L’Afrique nous échappa encore une fois. Nous traversâmes un pays coupé de ravins, bouleversé d’une multitude de petits accidens de terrein rappelant tout-à-fait, par sa configuration, la Basse-Bretagne et le Bocage ; comme ces deux provinces, couvert aussi de haies, de fossés, de clôtures de toutes espèces. L’ensemble de tout cela formait pour les Arabes un champ de bataille admirablement approprié à leur manière de combattre. C’était comme une multitude de postes retranchés dont il fallut les débusquer l’un après l’autre. Nous y réussîmes cependant, et la journée touchait à sa fin ; lorsque, en avant de notre première brigade, nous sentîmes tout-à-coup la terre trembler légèrement sous nos pieds : une détonation sourde et prolongée se fit entendre, et nous vîmes dans l’air une magnifique gerbe de flammes étinceler au milieu d’une épaisse fumée. C’était une mine, ou bien un magasin à poudre auquel les Turcs avaient mis le feu. Ils s’en étaient promis de terribles effets, à en juger par leurs cris de joie, par les sauts et les bonds que nous leur vîmes faire à la suite de l’explosion. Mais un hasard fort heureux ayant fait qu’à ce moment nous nous trouvions encore assez loin de l’endroit où elle se fit, il arriva qu’elle ne fut fatale à personne. Comme, néanmoins, même chose pouvait se renouveler, et avec de plus mauvaises chances pour nous, si nous eussions continué à nous porter en avant, M. de Bourmont se décida à s’arrêter où nous étions.

Nous prîmes position sur un plateau inégal, peu élevé, ayant en face de nous un autre plateau qui l’était beaucoup plus, entre eux se trouvait un ravin, étroit et profond, sillonné perpendiculairement à sa longueur par les lits de plusieurs torrens ; des montagnes élevées auxquelles se liait par ses extrémités le grand plateau nous dominaient à droite et à gauche : à notre gauche se trouvait un petit bois d’arbres verts, au milieu desquels ressortait par son éclatante blancheur et son dôme relevé le tombeau d’un marabout : c’était un cimetière. Il était bon de remarquer aussi qu’à notre droite un pli de terrain, caché entre deux collines, communiquait avec le grand ravin, et que là il était facile aux Turcs de se rassembler en grand nombre sans que nous les vissions, et de tenter quelque entreprise. Tel était