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ministres corrupteurs, et qu’un de ses autres poèmes saluait courageusement M. de Châteaubriand dans sa disgrâce. L’Essai sur l’homme, œuvre philosophique et religieuse d’une haute portée, que l’auteur dédiait à Lamartine, n’était certes pas non plus indigne de paraître sous les auspices du grand poète qui nous a donné les Méditations et les Harmonies. Publiée en 1830 en des circonstances peu favorables qui ont pu nuire momentanément à son succès, la Nouvelle messiade n’est pas, selon nous, destinée à figurer sur la longue liste nécrologique de nos épopées. M. Alletz n’avait pu se dissimuler, que dans l’exécution de la sienne, le difficile était de dégager la poésie enveloppée dans la révélation, et de tirer de l’Évangile un poème où l’imagination pût se montrer sans nuire à la foi. Le poète nous semble avoir heureusement triomphé de cette difficulté, qui pouvait bien en vérité passer pour insurmontable.

Les Esquisses de la souffrance morale, dont nous avions surtout à parler ici, forment une série de nouvelles, de romans, de drames plus ou moins développés. L’auteur s’y est appliqué à peindre la douleur sous plusieurs faces différentes et dans diverses conditions. Au moyen de ces peintures, il a voulu, non-seulement consoler les malheureux et leur enseigner le courage et la résignation, mais, unissant par un lien philosophique tous ces tableaux de l’intelligence humaine modifiée par la douleur, jeter en même temps quelque lumière sur les effets intimes et orageux de la souffrance morale. Les esquisses qu’il en trace et où tout l’être humain, dans l’état d’affliction, se trouve soigneusement analysé, ressortent ainsi, à proprement parler, du domaine de la psychologie. Avec cet esprit de méthode employé dans la métaphysique, il a cherché à mettre la description des peines de l’âme au niveau d’une science. On s’était occupé de l’homme ; M. Alletz a traité de l’homme malheureux. Il importe donc de bien considérer que c’est vers ce but moral et philosophique qu’ont tendu surtout ses efforts, et se souvenir qu’il n’a point fondé l’espoir du succès sur les combinaisons plus ou moins intéressantes, plus ou moins bizarres de quelques nouvelles. — S’il vous faut à toute force des contes fantastiques, drolatiques, voire même philosophiques, selon que l’entendent les faiseurs, ne prenez point le livre de M. Alletz. Il ne s’agit pas en effet, dans ses Esquisses, d’étranges et merveilleuses aventures, de fables curieusement extravagantes, telles que vous les fabriquent aujourd’hui nos fournisseurs brevetés. Non ; M. Alletz marche dans une toute autre voie : c’est dans un tout autre point de vue qu’il a considéré l’art. C’est une profanation, selon lui, que de le subordonner dans ses principes fondamentaux à l’état passager de la société et à ses goûts capricieux. Il ne cherche donc point à distraire le désœuvrement : il ne veut point exploiter un genre à la mode et spéculer sur les fantaisies du jour ; ce qu’il veut surtout dans ses Esquisses, c’est, il le déclare lui-même, en prêtant une forme animée à quelques vérités utiles, apporter aux malheureux les secours de la morale et de la foi.

Le premier volume des Esquisses de la souffrance morale avait obtenu, en 1829, la première des médailles décernées par l’académie française dans le concours extraordinaire de morale qu’elle avait ouvert. Le livre de M. Alletz se recommande à nos yeux par d’autres titres que ce prix académique ; il avait d’ailleurs