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mais je n’y fus pour rien, je vous jure ; je m’en lave les mains, lavez vos noms.


CHAPITRE XXI.
Un bon canonnier.

Il me souvient fort bien que, le 5 thermidor an ii de la république, ou 1794, ce qui m’est totalement indifférent, j’étais assis, absolument seul, près de ma fenêtre, qui donnait sur la place de la Révolution, et je tournais dans mes doigts la tabatière que j’ai là, quand on vint sonner à ma porte assez violemment, vers huit heures du matin.

J’avais alors pour domestique un grand flandrin, de fort douce et paisible humeur, qui avait été un terrible canonnier pendant dix ans, et qu’une blessure au pied avait mis hors de combat. Comme je n’entendis pas ouvrir, je me levai pour voir dans l’antichambre ce que faisait mon soldat. Il dormait, les jambes sur le poêle.

La longeur démesurée de ses jambes maigres ne m’avait jamais frappé aussi vivement que ce jour-là. Je savais qu’il n’avait pas moins de cinq pieds neuf pouces, quand il était debout ; mais je n’en avais accusé que sa taille et non ses prodigieuses jambes, qui se développaient en ce moment dans toute leur étendue, depuis le marbre du poêle jusqu’à la chaise de paille, où le reste de son corps et en outre sa tête maigre et longue s’élevaient, pour retomber en avant, en forme de cerceau, sur ses bras croisés. — J’oubliai entièrement la sonnette, pour contempler cette innocente et heureuse créature dans son attitude accoutumée, oui accoutumée ; car, depuis que les laquais dorment dans les antichambres, et cela date de la création des antichambres et des laquais, jamais homme ne s’endormit avec une quiétude plus parfaite, ne sommeilla avec une absence plus complète de rêves et de cauchemars, et ne fut réveillé avec une égalité d’humeur aussi grande. Blaireau faisait toujours