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VOYAGES DE NARCISSE GELIN.

monta courroucé sur le pont, descendit furieux dans son canot, et ne reparut à bord de la Cauchoise que le jour de l’appareillage. Ce jour-là, il avait rencontré sur le port l’homme aux figures de cire, qui lui avait proposé de prendre une chaloupe à eux deux pour porter leurs bagages.

Narcisse y consentit, serra le cousin dans ses bras, et lui dit les larmes aux yeux : Vous le voyez, cousin… vous le voyez… un temps magnifique, un petit vent de nord-est, une mer superbe… Comme c’est amusant !… Embarquez-vous donc après cela… Cherchez donc des émotions, des mœurs tranchées ! Ah ! si c’était à refaire…

L’homme aux figures de cire interrompit ces lamentations, en faisant observer que la goëlette avait déjà fait deux fois le signal de venir à bord.

Narcisse se précipita dans la chaloupe en maugréant.

— Vous n’avez jamais navigué, monsieur ? lui demanda le gros homme.

— Non, et vous ?

— Moi, mon Dieu, non, pas plus que vous, mon bon monsieur, je m’en vais aux Îles pour montrer ces figures-là… et tâcher de gagner mon pauvre pain.

— Que représentent vos figures ? demanda machinalement Narcisse.

— Cette caisse-là…, répondit le gros homme en montrant une des deux boîtes (elles avaient chacune à-peu-près six pieds de long sur quatre de large et d’épaisseur), celle-là représente la Passion de notre Seigneur, mon bon monsieur, et celle-ci le grand Napoléon, un Albinos aux yeux rouges, et notre sainteté le pape, mon bon monsieur…

— Ça m’est bien égal, pourquoi me dites-vous cela ? répondit Narcisse, enchanté de faire tomber sa mauvaise humeur sur quelqu’un.

— Je vous dis cela, dit le gros homme avec soumission, parce que vous me le demandez, mon bon monsieur…

— Laissez-moi tranquille, je ne vous parle pas, entendez-vous, intrigant !… hurla Narcisse, qui rugissait en voyant