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AVENTURES D’UN VOYAGEUR.

pas une parole ; mais leurs flèches étaient toujours dirigées sur nous. Du reste, comme nous tenions moins à éviter un conflit qu’à rentrer en possession de notre bien, nous prîmes le parti de faire bonne contenance jusqu’à l’arrivée de la seconde compagnie. Bientôt MM. Larocque et Gillivray parurent, avec leurs hommes, sur le derrière des Indiens, qui se trouvèrent ainsi placés entre deux feux ; mais ceux-ci s’aperçurent bien que nous ne pourrions agir sans courir le risque de nous entretuer. La moitié d’entre eux se retourna promptement, et, par ce mouvement, ils firent front à chacun de nos petits corps ; cependant, comme nous ne voyions paraître ni vieillards, ni femmes, ni enfans, M. Stuart nous donna l’ordre, à M. Larocque, et à moi d’aller fouiller avec quelques hommes dans les bois voisins, de nous emparer de tout ce que nous y trouverions, femmes et enfans, et de les amener comme otages jusqu’à la restitution des objets volés. Je découvris bientôt trois vieillards, plusieurs femmes et enfans assis autour d’un feu, occupés à aiguiser des pointes de flèches en fer et en pierre, qu’ils chauffaient et trempaient ensuite dans un vase de bois, rempli d’un liquide noirâtre. Ils essayèrent de s’enfuir, dès qu’ils nous aperçurent ; mais nous prîmes deux hommes, trois femmes et quelques enfans. Ils tremblaient de frayeur : ils pensaient que nous allions les mettre à mort ; mais ils se calmèrent, quand nous leur apprîmes qu’ils ne couraient aucun danger, si nos marchandises nous étaient rendues ; et nous les conduisîmes à M. Stuart, qui était toujours dans la même situation. Larocque avait été également heureux, et avait pris un homme, quatre femmes et cinq enfans. Les sauvages furent frappés de stupeur à cette vue ; et, craignant que nous ne suivissions leur usage barbare, qui est de tuer les prisonniers ou de les faire esclaves, ils baissèrent à l’instant leurs armes, et nous offrirent d’aller sur-le-champ chercher nos balles, pourvu que nous rendissions la liberté aux captifs. »

Une partie des marchandises fut rapportée, et les prisonniers furent mis en liberté.

« Nous repartîmes en canots ; mais, comme il était déjà tard, nous ne pûmes faire plus de trois milles, et nous nous arrêtâmes