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dans une petite anse, près de laquelle était un bois fourré d’érables, de pins et de noisetiers. Nous avions allumé un grand feu à chaque extrémité du camp, et nous avions divisé nos hommes en deux gardes. Le commencement de la nuit se passa tranquillement ; mais, vers deux heures du matin, un homme qui avait été placé en sentinelle fut rapporté blessé et répandit l’alarme. Il raconta que, lui et deux de ses camarades s’étant approchés du feu pour allumer leurs pipes, plusieurs flèches leur avaient été lancées du bois, et qu’une était venue le blesser au bras gauche. La garde envoya aussitôt des coups de fusil dans le bois. Les tentes furent pliées, et les hommes eurent ordre de se retirer loin des feux et de se réunir derrière les canots. Dix minutes après environ, une nouvelle volée de flèches nous fut envoyée du même endroit, et fut suivie de cris sauvages. Les unes passèrent par-dessus nos têtes, et les autres furent arrêtées par les canots, dans lesquels elles restèrent fichées. Les deux gardes reçurent l’ordre de faire deux décharges consécutives et de recharger immédiatement. La première fit beaucoup de bruit dans les branches et les feuilles ; la seconde, comme nous le supposâmes, délogea complètement les Indiens, et, par les gémissemens que nous entendîmes, nous pensâmes que nos balles n’avaient pas été sans effet.

« Le lendemain matin, nous nous embarquâmes de bonne heure. Le dernier homme resté sur le rivage était un habile chasseur métis, nommé Pierre Michel. Au moment où il allait entrer dans le canot, un des nôtres vit un Indien d’une taille élevée sortir du bois et bander son arc. À peine avait-il eu le temps d’avertir Michel du danger qu’il courait, que la flèche partit et perça son chapeau, où elle resta. Michel se retourna aussitôt, et, comme le sauvage fuyait dans le bois, il fit feu et le blessa près du genou. Il sauta alors dans le canot. Nous tirâmes quelques coups dans cette direction ; nous poussâmes au large, et regagnâmes le plus vite possible le côté opposé. Comme il y avait lieu de croire que la flèche qui avait blessé la veille notre homme au bras était empoisonnée, un de nos chasseurs Iroquois suça sa blessure, et c’est à cela sans doute que nous