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qui souriaient d’une manière fade, à la façon des Wanloo et des Boucher.

Ce dix-huitième siècle est un siècle bizarre jusque dans son ameublement : il affecte les petites moulures, les petites facettes, les contorsions de toutes sortes ; il procède par zigzag, il est doré, il est faux, il est mesquin, il est riche, il est coquet et bon enfant. Cette chambre était ainsi faite, et puis il y avait un écho qui répétait les battemens de l’horloge. Le jeune homme trouvait tout cela fort bien ; mais décidé à ne pas s’amuser, il jouissait en secret de l’embarras de son hôte, et de tous ses efforts pour le divertir.

Son hôte, vieillard empressé, avait changé de costume ; il s’était revêtu d’une longue robe très blanche, il avait remplacé son feutre usé par un bonnet de soie chamarré ; il avait préparé la table en silence ; sur cette table, il plaça des fleurs, puis à côté de ces fleurs, un petit plat en argent brun avec son couvercle ; à côté de ce vase, il plaça un verre taillé à facettes, et il fit signe au jeune homme de s’approcher de la table.

— Oh ! oh ! dit le jeune homme ; mon maître, il me semble que voilà bien de la vertu ; je n’aime pas le vin, il est vrai, mais pardieu ! j’aime encore moins les tulipes et les roses. N’aurez-vous donc pas autre chose à me donner ce soir, mon bon hôte ?

Le vieillard, sans répondre, alla chercher dans un vieux meuble un poignard oriental. C’était une lame brillante comme un miroir et qui jetait le froid dans les veines, rien qu’à la regarder.

— Oh ! oh ! dit Gustave, voilà certainement le couteau qu’il me fallait pour découper tes tulipes, bon vieillard.

Le vieillard, sans répondre, sortit de l’appartement ; puis il rentra tenant dans ses deux mains et sous ses deux bras quatre longues et vieilles bouteilles cachetées avec soin, et toutes chargées de toiles d’araignées séculaires, comme il convient à un vin généreux conservé depuis long-temps. — « Oh ! oh ! dit Gustave, voilà ! soyez le bien-venu, ma tête grise ! c’est donc avec cela que vous voulez arroser mes tulipes ! à la bonne heure, trinquons ! Mais que voulez-vous que nous fassions de ces quatre bouteilles ? — Mon hôte, dit le mendiant d’une voix douce,