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MŒURS DES AMÉRICAINS.

légalement affecté à l’entretien des prêtres, il en résulte que ceux-là seuls jouissent des avantages de la religion qui peuvent les payer. Le zèle, aussi hypocrite qu’extravagant, déployé dans les Revivals, n’est pas plus une compensation à l’absence de tout culte dans les villages, que ne le sont à l’ordre social continuellement foulé aux pieds, les éternelles louanges prodiguées par les Américains à leur admirable et incomparable gouvernement. L’église et l’état n’en vont pas moins clochant côte à côte, malgré leur indépendance si vantée. Vous ne rencontrez pas un Américain qui ne vous dise qu’il est excessivement occupé des intérêts les plus importans de l’état, et pas une Américaine qui ne vous assure qu’indépendamment des soins de son ménage, elle a chaque jour sur les bras les affaires de toutes les églises. Mais en dépit de cette perpétuelle préoccupation des hommes, les lois sont à moitié endormies ; et malgré le beau zèle des vieilles femmes, et le bavardage de leurs sociétés religieuses, l’athéisme veille et avance.

« Dans les villes et les bourgs, les prayer-meetings tiennent lieu de presque tout autre amusement. Mais la population de la plupart des villages étant trop faible pour donner des meetings, ou trop pauvre pour payer des prêtres, on est obligé d’y naître, de s’y marier et d’y mourir sans eux. Un étranger qui vient s’établir dans une ville des États-Unis, peut croire que les Américains sont le peuple le plus religieux du monde ; mais que le hasard le conduise dans les villages des états de l’ouest, il changera d’opinion. Là, sauf les horribles saturnales des camp-meetings, il ne rencontrera aucune trace de culte, ni église, ni chapelle, ni prêtre qui prie, ni prêtre qui prêche. Je me souviendrai toujours de la réponse que me fit une pauvre femme, que je trouvai travaillant le dimanche. « Ne faites-vous donc aucune différence, lui demandais-je, entre le dimanche et les autres jours de la semaine ? — Je voudrais bien être chrétienne, madame, me répondit-elle, mais nous n’en avons pas l’occasion. » Ce mot me fit penser que dans un pays où tous les hommes sont égaux, peut-être le gouvernement ne commettrait-il pas un grand crime, s’il osait intervenir dans la religion jusqu’à fournir à ceux qui le désirent, l’occasion de devenir chrétiens. Mais