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MARCO POLO.

s’était propagée en Allemagne, en Italie et en France même. On voulut savoir quels étaient ces barbares nouveaux qui menaçaient d’envahir encore une fois l’Europe romaine, après avoir conquis et dévasté l’Asie. On hasarda de leur envoyer des ambassadeurs ; on brava leurs menaces, on dévora leurs mépris, et le résultat des courses lointaines et périlleuses entreprises par les envoyés de saint Louis et du pontife romain, fut d’ouvrir avec les généraux tartares devenus souverains de la Perse, de l’Arménie et de la Géorgie, des relations qu’on espérait faire tourner au profit du christianisme et de la cause des croisés. Tel fut l’état de ces négociations dans leur première période…

« La haine des nations musulmanes, commune aux Tartares et aux chrétiens, conduisit les uns et les autres à combiner leurs efforts. On fut d’autant plus disposé à agréer les propositions des Mongols, qu’ils passaient alors pour avoir une grande propension au christianisme. C’était presque être chrétien, dans ces siècles peu éclairés, que d’être ennemi des musulmans. Enfin les Tartares avaient été pris d’abord pour des démons incarnés, quand ils avaient attaqué les Hongrois et les Polonais ; peu s’en fallut qu’on ne les jugeât tout-à-fait convertis, quand on vit qu’ils faisaient avec acharnement la guerre aux Turcs et aux Sarrasins.

« Dans ce moment, la puissance des Francs, en Syrie, était sur son déclin ; elle ne tarda même pas à tomber sous les coups des sultans d’Égypte ; mais de nouvelles croisades pouvaient la relever en un instant. Les Mongols se mirent à en solliciter dans l’Occident. Ils joignirent leurs exhortations à celles des Géorgiens, des Arméniens, des Grecs, des croisés réfugiés en Chypre. Les premiers Tartares avaient débuté par des menaces et des injures. Les derniers en vinrent aux offres, et descendirent jusqu’aux prières. Des ambassadeurs furent envoyés par eux en Italie, en Espagne, en France, en Angleterre, et il ne tint pas à eux que le feu des guerres saintes ne se rallumât de nouveau et ne s’étendît encore sur l’Europe et sur l’Asie. On peut croire qu’ils avaient aisément fait entrer les papes dans leurs vues, et qu’ils trouvaient en eux de zélés auxiliaires ; mais, circonstance