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VOYAGE EN ANGLETERRE.

âmes, réunies à travers les mers et les pays, se prennent la main, et contemplent ensemble du haut des montagnes la vie tranquille des vallées ; car les esprits jouissent tous également des beautés de la nature divine.

Je te conduirai d’abord aux sept sources de la Tamise, qui jaillissent à une heure de chemin de Cheltenham. J’avais entrepris cette excursion dans un fly (espèce de petit landau attelé d’un seul cheval), sur la capote duquel j’étais assis, pour distinguer d’un point de vue plus élevé les beautés du paysage. Après avoir long-temps monté, on aperçoit enfin sur un petit plateau solitaire, à l’ombre d’une couple d’aulnes, un groupe marécageux de petites sources qui s’échappent en un léger ruisseau, aussi loin que l’œil peut les suivre. Ceci est le début modeste de l’orgueilleuse Tamise. Je sentis une disposition toute poétique en songeant que peu d’heures auparavant, seulement à quelques milles de là, j’avais vu la même eau, couverte de mille vaisseaux, et comment le glorieux fleuve, bien que son trajet soit si court, porte cependant peut-être dans une année sur son dos, plus de vaisseaux, plus de trésors, et plus d’hommes qu’aucun de ses gigantesques confrères ; comment la capitale du monde s’élève sur ses rives, et comme il vivifie et domine de sa toute-puissance le commerce des quatre parties du monde ! — Je contemplai avec une merveilleuse admiration ces perles d’eau qui tombaient à petit bruit, et je les comparais tantôt à Napoléon naissant incognito à Ajaccio, et ébranlant bientôt de son poids tous les trônes de la terre, tantôt à l’avalanche de neige qui se détache sous la patte d’un papillon, et qui, dix minutes après, engloutit un village, ou à Rothschild, dont le père vendait des rubans, et sans lequel aujourd’hui aucune puissance ne peut faire la guerre en Europe !

Mon cocher, qui était en même temps un cicerone accrédité de Cheltenham, me conduisit de là sur une haute montagne nommée la Lakinton-hill, où l’on a une vue célèbre, avec addition d’une auberge agréable, dans laquelle se refont les voyageurs. À l’ombre d’un bosquet de roses, mon regard parcourait une étendue de pays de soixante-dix milles anglais, et traversait une riche plaine couverte de villes et de villages, au milieu desquels la cathédrale de Glocester présente le plus magnifique point de vue. Au-delà s’élevait la chaîne des montagnes du pays de Galles. Ces montagnes flottant dans l’air avec leurs longues