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STATUE DE LA REINE NANTECHILD.

l’architecture, ce coryphée des arts, qui reçut ton de la mode, au lieu de le lui donner. Pour nous, peuple à demi anglais, à demi américain, qui allons échanger nos coupons de trois pour cent en chapeaux ronds sous le péristyle d’un temple grec, nous qui mettons un lancier polonais en faction près d’un petit arc de triomphe gréco-romain ; nous chez qui la statuaire ne sait si elle doit être couverte ou nue, païenne ou chrétienne ; nous sommes, sous le rapport plastique et pittoresque, au-dessous même du siècle de Louis xv, qui eut au moins un demi-caractère. L’art, chez nous, n’a plus ni direction, ni unité. Nos musées ne sont que des bazars, où l’on étale des échantillons de tous les siècles. Ce décousu vient surtout de l’absence d’un style architectural qui nous soit propre. C’est à l’architecture, ce premier des beaux-arts, qu’il appartient de formuler en grand la pensée d’un siècle, si le siècle en a une. Quand faute d’idée, ou de génie, l’architecture vient à manquer, le reste n’a plus de base. Alors peintres, poètes, sculpteurs, destitués de direction, se rejettent dans l’imitation du passé ; flottent, selon leur caprice, de l’imitation classique à l’imitation du moyen-âge, tout prêts peut-être à adopter le goût japonais ou marabout, qui a déjà eu un commencement de vogue pendant la vieillesse de Voltaire.

Il est, je le sais, des gens qui assurent que si un style architectural vraiment original et approprié à notre époque pouvait surgir quelque part en Europe avant l’avènement d’une croyance religieuse, une telle merveille ne serait pas le fruit de notre sol. L’art, disent-ils, n’a jamais été chez nous qu’exotique et transplanté. La France a en propre la promptitude de conception, un penchant inné à l’éclectisme, un besoin d’exercer au loin une initiative de civilisation ; mais elle n’a qu’à un degré secondaire la profondeur de la pensée et le génie de l’art. Architecture et musique, statuaire et peinture, poésie même et philosophie, elle a tout reçu de deux grands foyers d’inspiration. Ces deux courans électriques qui l’ont aimantée tour-à-tour en sens inverses, ce sont l’Italie et l’Allemagne. Dante et Luther, Pétrarque et Goethe, Machiavel et Grotius, Vico et Herder, Michel-Ange et Erwin de Steinbach, Cimorasa et Mozart, Ros-