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Tours, faire servir à l’exercice du culte chrétien la maison d’un sénateur. On a fait remarquer, avec raison, que les premières églises, en Occident, n’étaient que des basiliques ou tribunaux romains[1], et qu’une abbaye n’était autre chose qu’une riche maison romaine[2]. L’art, à cette époque, ne consista qu’à réparer et ajuster d’anciennes constructions. Dans les temps de conquête, on trouve plus commode d’exproprier que de bâtir.

Mais bientôt les guerres contre les Ariens ruinèrent beaucoup d’édifices ; il fallut construire à neuf. De cette nécessité naquit l’architecture mérovingienne, dont il subsiste à peine quelques monumens ; mais qui dut avoir et qui eut, au rapport des contemporains, un caractère complexe et fut à-la-fois romaine, barbare et chrétienne.

Cela se conçoit :

D’une part, la pensée chrétienne avait déjà trouvé sa formule architecturale en Orient, et le clergé devait la reproduire, au moins, dans ses dispositions mystiques. D’une autre part, le goût des barbares fraîchement sortis des forêts les porta, pendant toute la durée de l’époque mérovingienne, à ne laisser bâtir les palais et même les maisons de Dieu qu’en bois, à la façon des Huns. Enfin, il était difficile au clergé de ne pas céder à la tentation d’orner, comme Agricola, évêque de Châlons, ses cathédrales avec les colonnes de marbre prises dans les ruines dont le sol était jonché. Ainsi arriva-t-il dans toutes les cités. Les bas-reliefs et les mosaïques passaient des thermes consulaires dans les églises, et si l’on voyait dans quelques chapelles des figures sculptées, c’était un Hercule, un Jupiter ou un empereur que l’on honorait d’un nom de saint.

Cet art, quelque mélangé qu’il fût, n’en était pas moins sacerdotal. Depuis Clovis jusqu’à Philippe-Auguste, il ne se rencontre pas dans nos histoires un seul nom d’artiste, en quelque

  1. Voyez un article de M. L. Vitet sur l’architecture lombarde. Revue française, juillet 1830.
  2. Voyez Études historiques, par M. de Chateaubriand, tome iii, page 276.