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MARCO POLO.

qui aurait pu faire naître des difficultés insurmontables pour leur retour en Europe, ils témoignèrent le desir de partir. Les efforts qu’ils firent pour obtenir le consentement de l’empereur furent d’abord non-seulement inutiles, mais leur attirèrent même des reproches de la part de Kublaï. Il leur fit entendre que, si la résolution de le quitter était causée par le désir et l’espérance qu’ils avaient d’augmenter leurs richesses, il était disposé à les combler de biens au-delà de tout ce qu’ils pourraient jamais souhaiter, mais que, quant à leur départ, ils ne devaient pas y penser. Au milieu des chagrins que leur causa cette espèce d’esclavage, leur bonne fortune permit qu’ils fussent tirés d’embarras par un événement tout-à-fait inattendu.

Il arriva vers ce temps, à la cour de Kublaï, des ambassadeurs qui lui étaient envoyés par un prince tartare-mongol, nommé Arghun, qui régnait en Perse : c’était le petit-fils de Houlagou, et par conséquent le petit-neveu du grand Kan. Cet Arghun, ayant perdu sa principale femme, issue du sang impérial, avait promis à cette épouse, lorsqu’elle était au lit de mort, de ne pas faire tort à sa mémoire, en formant une nouvelle alliance avec une autre femme inférieure à elle par la naissance. Pour accomplir ce vœu, et d’après les conseils de sa famille, il envoya donc une ambassade à son seigneur suzerain, pour obtenir de lui une femme de leur famille impériale. Cette demande fut aussitôt accueillie par le grand Kan, qui fit choix d’une princesse âgée de dix-sept ans parmi ses petites filles. Elle se nommait Kogatin, dit la relation, et elle était aussi aimable que belle. Les ambassadeurs, satisfaits des qualités de la jeune fiancée royale, se mirent en route, accompagnés d’une suite nombreuse, pour la conduire en Perse ; mais, après avoir voyagé quelques mois, car, ainsi qu’on l’a déjà fait observer, on ne marche pas vite dans ces contrées, la caravane n’osa plus avancer à cause des troubles qui avaient lieu dans différens états, à la suite des querelles fréquentes qui commençaient à s’élever entre les petits princes tartares. La crainte s’empara tellement des ambassadeurs chargés de conduire la jeune princesse, qu’ils prirent le parti de retourner à la capitale du grand Kan.