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UNE COURSE DE NOVILLOS.

reprises. Quant aux deux ânes, ils semblaient beaucoup moins disposés à recommencer les hostilités, et restaient languissamment étendus à terre. On eut grand’peine à les remettre sur leurs pieds, et il fallut même pour cela les prendre à bras et les porter ; encore, les pauvres bêtes, lorsque leurs cavaliers furent remontés sur elles, se tinrent-elles les jarrets ployés, les oreilles basses, toutes tremblantes, craignant au moindre mouvement de voir se renouveler le rude assaut qui venait de leur être donné. Il le leur fallut pourtant subir deux autres fois, à-peu-près de la même façon, à l’inexprimable contentement de la multitude. Ils n’étaient pas néanmoins encore blessés, non plus que les cavaliers après leur troisième défaite. Ces derniers paraissaient bien souhaiter de rentrer en lice ; mais il n’y eut pas moyen d’y décider leurs ânes. On eut beau s’y prendre avec eux de toute manière. On eut beau les flatter et les caresser, puis les frapper de coups de bâton, les piquer et les tirer par la queue ; ce fut en vain. Si l’on réussissait à les relever en les portant, ils se recouchaient soudain. Il fallut donc absolument renoncer à leur faire affronter un quatrième combat ; il les fallut abandonner là, en butte aux moqueries et aux sifflemens du peuple, dont ils semblaient au surplus avoir beaucoup moins de frayeur que des bourrades du taureau.


V.

Assurément tout cela ne m’avait que très médiocrement réjoui. Je ne me sentais pas vraiment fort à l’aise. Cependant il n’avait pas encore coulé de sang. — Je faisais bonne contenance.

J’avais quelque peu rapproché ma chaise de celle de la marquise.

— Ce spectacle est moins terrible que je ne l’avais craint, lui dis-je alors, essayant de sourire.