Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
344
REVUE DES DEUX MONDES.


PARTIE HISTORIQUE.

Pour la seconde partie, on devrait s’attendre à y rencontrer la tradition d’Attila, mieux reproduite dans les Niebelungs que dans l’Edda ; car le fléau de Dieu a traversé l’Allemagne, et n’a jamais mis le pied en Scandinavie. Cependant il n’en est pas toujours ainsi ; et si, dans les Niebelungs, la résidence d’Attila en Hongrie, et la route qui y mène, sont plus exactement définies ; si les noms de son frère Bleda et de sa femme Herka sont conservés, dans l’ensemble du récit de l’Edda, la réalité historique semble moins dénaturée. Attila y meurt, dans son lit, de la main d’une femme, comme le voulait une tradition que les historiens latins nous ont transmise[1]. Ainsi, dans la version scandinave, le fait a un peu plus de vérité ; malgré l’éloignement des lieux, par cela seul qu’elle est plus ancienne, et qu’elle a été recueillie et remaniée par des mains moins modernes que celles des poètes qui nous ont donné cette refonte, qu’on appelle les Niebelungs.

En Scandinavie et en Allemagne, Attila a perdu dans la légende sa physionomie historique ; il en a été de même pour Charlemagne dans les poèmes chevaleresques du moyen-âge. Telle est la marche des traditions poétiques, des cycles qui se forment autour d’un grand nom. Ce nom reste toujours au centre du cycle, mais à mesure qu’on avance, l’histoire du personnage qui le porte, s’oublie ; on cesse de s’intéresser à une grandeur passée qui ne se lie plus aux événemens, aux intérêts du temps présent. D’autres héros moins célèbres dans le monde, mais plus importans pour le pays et pour l’époque, attirent à eux l’attention et finissent par occuper, pour ainsi dire, tout le premier plan de la légende. Cependant la figure du vieux héros se retire toujours de plus en plus vers le fond de la scène, ses contours

  1. Marcellinus comes Ed. Sirmond, p. 524 : noctu mulieris manu cultroque confoditur.