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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

Cette lettre fit sur le roi de Prusse une impression profonde ; il devint à son tour aussi ardent que l’empereur Léopold à s’opposer aux progrès de notre révolution. Après avoir dissipé quelques nuages qui s’étaient encore élevés entre eux, les deux souverains se concertèrent ; leurs ministres Bischoffswerder et le prince de Kaunitz signèrent, le 25 juillet 1791, un traité préliminaire d’alliance ; enfin les deux monarques s’abouchèrent à Pilnitz, résidence d’été de l’électeur de Saxe. Le comte d’Artois, accompagné, entre autres personnages, de M. de Calonne et du duc de Polignac, parut à la cour électorale, il insista sur la nécessité de précipiter, par les armes, une contre-révolution en France ; et du concert de tant d’augustes personnages, sortit, au milieu des fêtes les plus élégantes, la fameuse déclaration dite de Pilnitz, que depuis, je crois, on a regrettée comme une indiscrétion, mais qui atteste avec sincérité quelles étaient à notre égard les préoccupations des têtes couronnées. Vous ne pouvez pas oublier, monsieur, qu’on y invite les autres puissances à employer conjointement avec leurs majestés (le roi de Prusse et l’empereur) les moyens les plus efficaces relativement à leurs forces, pour mettre le roi de France en état d’affermir dans la plus parfaite liberté les bases d’un gouvernement monarchique également convenable aux droits des souverains et au bien-être des Français. La prétention est claire et point dissimulée ; il s’agit de rétablir en France un gouvernement monarchique convenable aux droits des souverains : l’Europe intervient pour satisfaire ses propres convenances et nous en faire subir la loi.

J’ai touché, monsieur, le point essentiel : les cabinets avaient pour la révolution française une aversion qui les emporta même au-delà de leur prudence ordinaire ; les premiers, ils se sont livrés à une agression morale ; ils ont passé trois ans à épaissir contre nous leurs bataillons et les préjugés de l’Europe ; ils ont attaqué les premiers, car dès l’abord, ils rendaient la paix incompatible avec l’honneur d’une grande nation.

Mais de fait, la France n’a-t-elle pas la première déclaré la guerre ? Ce serait se moquer étrangement, que d’imputer à la France, en 1792, la rupture de la paix européenne, parce que