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mais il écrivait rarement, ce qui se compense. D’ailleurs on n’avait pas encore entendu Louis xi, et il vivait sur Louis xi depuis neuf ans bien comptés.

Est venue la révolution de juillet, elle a perdu M. Casimir Delavigne complètement. Elle l’a traité en vaincu, lui vainqueur ! Mais aussi il faut dire qu’il est impossible à un homme d’esprit de plus abuser d’une révolution que ne l’a fait M. Casimir Delavigne. Au dernier des trois jours, M. Casimir Delavigne fait une cantate, vous croyez qu’il fait une cantate toute neuve pour cette révolution toute neuve, et surtout pour ce roi tout neuf ? Pas du tout, il copie sa cantate. Il fait mieux que de la copier, il la calque mot pour mot, vers pour vers, sur une autre cantate qu’il avait faite il y a huit ans, une cantate sur l’Italie, dont l’air était tout fait depuis huit ans, et dont le refrain était : Partons pour l’Italie ! Au lieu de partons pour l’Italie, il écrit : Courons à la Victoire ! Du reste, il laisse le rondo : En avant, marchons, etc. — Toute la cantate a dû être finie le même soir. On donna la cantate à Nourrit ; Nourrit, à force de la chanter sur tous les théâtres, a pensé y perdre la plus belle voix de l’opéra. Comme il faut à toute force une cantate nouvelle à un peuple en même temps qu’une cocarde nouvelle, le peuple de Paris a adopté, faute de mieux, la cantate de M. Casimir Delavigne, sans se douter que c’était une cantate calquée, copiée, toute faite, sur un air tout fait ! Si bien que la révolution de juillet, non-seulement n’a pas un monument qui lui soit propre, une pierre à elle, mais elle n’a pas la chose du monde la plus facile à avoir, elle n’a pas une chanson à elle ! Elle a une chanson de pièces et de morceaux, une contrefaçon bâtarde, une vieillerie à laquelle on se bouche les oreilles aujourd’hui après l’avoir chantée conjointement avec la Marseillaise ! Ce qui prouve, pour le dire en passant, qu’une révolution ne doit jamais être inquiète, ni pour les hommes qui la mènent, ni pour les chansons qui l’exaltent ; vieux ou nouveaux, copiés ou neufs, inspirés ou plagiaires, elle en trouvera toujours !

Je continue mon histoire. Encouragé par ce premier succès