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LES CONFIDENCES.

j’aurais à craindre qu’il ne recommençât, au lieu que, par cet antécédent et avec l’assurance qu’il me donne, que, si jamais il avait quelque tort envers moi, il préférerait encourir ma haine en m’avouant ses fautes, plutôt que de continuer à tromper ma tendresse par la feinte, je ne puis avoir la même inquiétude.

— Ce serait aussi de la folie d’en avoir, dit la marquise ; mais l’amour ne raisonne pas toujours bien juste, et je craignais pour toi l’effrayante fantasmagorie de la jalousie.

Eugénie recommença à rire.

— Comme vous me connaissez mal, chère cousine ! J’ai dix-sept ans, ajouta-t-elle. Eh bien ! jamais je n’ai éprouvé le plus simple accès de jalousie.

Madame de Vercourt ne crut pas devoir faire observer que la chose était assez simple. À dix-sept ans connaît-on même l’amour ? Elle ne pensait qu’à préserver sa jeune amie de peines que sans doute elle avait connues.

— Puisse-t-il en être toujours ainsi, ma chère, reprit-elle ; d’ailleurs, en mettant de côté la confiance que mérite ton mari, tu as ta jeunesse, tes charmes, qui sont pour toi de fort grandes garanties. Bien peu de femmes pourraient rivaliser avec toi, et madame de Merci, plus qu’une autre, aurait tout à craindre. Regarde donc comme non avenu tout ce que je viens de dire, et mets-toi dans l’esprit qu’une partie d’écarté est la seule cause du retard de M. de Barènes. D’ici à un moment, j’en suis sûre, nous le verrons entrer sain et sauf, et se moquant bien de tes folles chimères.

— Puissiez-vous dire vrai ! mais M. de Merci est à Paris. Encore ces sons discordans : ils semblent tout près… Ah ! ils sont pour moi d’un triste présage !

— Tu souffres des nerfs, Eugénie : c’est de là que te vient le malaise qu’occasionne ce bruit ; mais souviens-toi que c’est une espièglerie que font les jeunes gens du village à la vieille Véronique et à son jeune mari.

— Cousine, cousine, ce bruit annonce aussi la fin de mon bonheur.