Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/505

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
501
REVUE SCIENTIFIQUE.

Thèbes. Après avoir insisté sur les diverses causes qui devaient entraver l’entreprise, et sur l’habileté qui a été déployée pour les surmonter, l’honorable académicien demande que la direction de ce travail donne à l’ingénieur qui l’a si heureusement achevé un titre au prix de mécanique fondé par M. de Montyon. Cette proposition est combattue par M. Girard, qui, sans prétendre mettre en doute l’habileté de cet ingénieur, soutient que le prix qu’on propose de lui accorder ne lui serait dû que si l’on prouvait qu’il a fait quelque chose de supérieur à ce que l’on savait faire avant lui. Or, ajoute-t-il, les Égyptiens qui ont amené cet obélisque des carrières de la Nubie et l’ont élevé sur sa base ont fait, certes, plus que nous en l’abattant et lui faisant descendre la partie inférieure du Nil, qui n’offre pas, pour la navigation, les mêmes difficultés que la partie du même fleuve parcourue par le monolithe dans son premier voyage. Il y a plus, ajoute-t-il, c’est que l’obélisque que nous avons trouvé debout n’est que le fragment d’un monument plus grand, autrefois renversé par quelque tremblement de terre ou par la main des barbares. Si donc, en présence de ces faits, nous venons donner une récompense à un artiste qui, avec les ressources qui lui fournit un art plus avancé, exécute de moins grandes choses, notre détermination ne prêtera-t-elle pas un peu au ridicule.

M. Dupin soutient que le grand nombre de bras dont les ingénieurs égyptiens disposaient, établit une complète différence entre leurs opérations et celle de l’ingénieur français, qui, n’ayant à compter que sur un petit nombre d’hommes, a compensé ce désavantage par l’emploi de procédés aussi simples qu’ingénieux.

M. Dureau de Lamalle déclare que les Égyptiens n’ont pas employé, dans leurs opérations architectoniques, cette quantité de bras dont parlent quelques Grecs crédules et quelques auteurs romains, qui ont répété ces assertions, échos des bruits du vulgaire. En évaluant, en effet, la population ancienne de l’Égypte d’après l’étendue des terres labourables que nous lui connaissons aujourd’hui, on ne peut guère supposer que cette population ait dépassé sept à huit millions. Or, dans un pays où le commerce était très actif et où les arts industriels très perfectionnés employaient avantageusement un grand nombre de personnes, il n’est pas à supposer qu’on ait employé en pure perte une si grande quantité de bras. Tout prouve, au contraire, que dans les travaux qui exigeaient un déploiement considérable de force, on avait recours à des moyens très analogues à ceux que nous employons maintenant. Si l’on doutait, ajoute M. Dureau, de l’exactitude de mon évaluation, pour l’ancienne population de l’Égypte, je dirais que M. Letronne, qui s’est appuyé sur des bases toutes différentes des miennes, est arrivé à très peu près aux mêmes résultats.

M. Girard pense que l’évaluation de MM. Dureau et Letronne pécherait plutôt par excès que par défaut, les calculs que nous avons faits d’après l’ensemble des observations recueillies pendant l’expédition d’Égypte donnent, dit-il, au plus sept millions pour l’ancienne population de ce pays.

M. Arago fait remarquer que les Hindous emploient encore aujourd’hui dans leurs monumens des blocs aussi volumineux que ceux des anciens édifices égyptiens, et qu’ils exécutent ces opérations au moyen d’appareils fort simples.