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ROMANS CARLOVINGIENS.

Une telle manière de sentir l’amour ne laissait guère lieu aux délicatesses, aux subtilités, aux conventions de la galanterie chevaleresque. Parmi les romans carlovingiens, il y en a sans doute où les princesses ne réduisent pas l’amour à des termes aussi simples et aussi rapprochés que Luziane ; mais dans ceux même où elles montrent plus de retenue et de modestie, il s’en faut bien qu’elles paraissent avoir la moindre prétention au genre de culte que les femmes pouvaient exiger et exigeaient en effet très souvent dans le système chevaleresque de l’amour.

Sur ce point donc, la plupart des romans du cycle carlovingien sont en contradiction avec les idées et les mœurs dominantes de l’époque à laquelle ils ont été composés, et la contradiction ne se borne pas à ce seul point.

Il y a généralement dans les mœurs de ces romans une teinte de dureté et de grossièreté qui n’était déjà plus dans celles du douzième et du treizième siècles, surtout parmi les classes chevaleresques. Ils sont pleins de traits qui se rapportent à une barbarie plus franche et plus décidée, de traits que l’on ne peut guère se défendre de regarder comme des réminiscences du caractère frank, à l’époque des agitations et des mouvemens de la conquête. Ce qui a rapport aux ambassades et aux défis de guerre en offre un exemple extrêmement remarquable, en ce qu’il est presque général. Une des plus hautes marques d’intrépidité que puisse donner un brave champion, de quelque nation et de quelque foi qu’il soit, c’est d’accepter un message de son chef pour le chef ennemi ; et en effet l’entreprise est toujours des plus périlleuses. Il est convenu, dans les principes d’honneur établis, que le message doit être le plus dur et le plus insolent possible ; et celui qui les reçoit prouve d’autant mieux sa fierté, qu’il traite plus mal les messagers. S’il a le courage de les faire pendre, c’est un héros. — Il y a, dans les récits de plusieurs de ces missions, quelque chose qui rappelle plus d’une de celles racontées par Grégoire de Tours : l’historien de la barbarie semble en avoir inspiré les poètes.

Cette rude simplicité, cette fierté grossière de mœurs et d’idées, qui, sauf certaines nuances, se retrouve dans tous les ro-