Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
553
ROMANS CARLOVINGIENS.

sition. L’autre vers, employé dans le roman carlovingien, est notre vers de dix syllabes, sauf de légères différences auxquelles je ne m’arrête pas.

Ces vers sont toujours rimés, mais dans un système tout-à-fait différent du nôtre. Ils forment des tirades d’une longueur indéterminée sur une seule et même rime. Ces tirades sont parfois très longues, de trente, quarante, cinquante, jusqu’à cent vers, ou même davantage, quand elles posent sur une consonnance très fréquente. — Elles sont quelquefois fort courtes, de six à dix vers seulement. — En cela, tout dépend du caprice ou du goût du poète, et du plus ou moins de consonnans qu’a chacun des mots de la langue. — Du reste, l’oreille des romanciers n’est point difficile, en ce qui tient à la richesse de la rime : la plus légère ressemblance de son entre deux ou plusieurs mots leur suffit pour les encadrer ensemble dans une même suite de vers. Dans leur système de versification, cette licence, loin d’être un défaut, est plutôt un avantage ; elle sauve en partie la monotonie nécessaire d’une trop longue suite de vers sur la même rime.

Cette manière d’employer la rime parait être particulière aux Arabes. Leurs pièces de vers sont toutes sur une seule et même rime ; et il n’y a aucun doute que cette habitude ou ce goût d’oreille n’ait eu une prodigieuse influence sur leur poésie, en la resserrant dans les bornes étroites du genre lyrique. — Si donc, comme on est autorisé à le présumer, les romanciers du douzième siècle ont emprunté, d’un peuple étranger, l’exemple des tirades monorimes d’une longueur indéterminée, il est, on ne peut plus probable, qu’ils l’ont emprunté des Arabes. — Le fait n’est pas indifférent à noter dans l’histoire de l’épopée du moyen âge.

Maintenant, dans la composition de ces romans épiques du cycle carlovingien, en tirades monorimes, il entre certaines formules consacrées qui leur sont communes à tous, qui, ayant toutes le même principe, le même motif et le même but, deviennent par là même importantes à observer comme caractéristiques. C’est surtout au début, et dans ce qu’on pourrait dire