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ROMANS CARLOVINGIENS.

teurs, de simples répétiteurs de légendes ou d’histoires consacrées.

Ces protestations de véracité, qui, plus ou moins expresses, plus ou moins détaillées, sont de rigueur dans les romans carlovingiens, y sont aussi fréquemment accompagnées de protestations accessoires contre les romanciers qui, ayant déjà traité un sujet donné, sont accusés d’y avoir faussé la vérité. Ces accusations sont très remarquables. Comme elles ont toutes le même objet, et sont toutes à-peu-près dans les mêmes termes, il suffira d’en citer deux ou trois, pour en donner l’idée, et motiver la conséquence qu’il me semble naturel d’en tirer. Voici, par exemple, quelques vers du prologue d’un roman dont je vous ai déjà cité un passage, de celui d’Aiol de Saint-Gilles.

Chanson de fière histoire vous plairait-il ouir ?
Tous ces nouveaux jongleurs en sont mal informés,
Par les fables qu’ils disent, ont tout mis en oubli.
L’histoire la plus vraie ont laissé et gurpi (abandonné).
Je vous en dirai une qui bien fait à cesti (qui va bien ici) ;
N’est pas adroit joglere qui ne set icests dis ;
Tous en cuide (pense) savoir qui en sait molt petit.

Adam le Roi, trouvère connu du treizième siècle, a composé un roman sur les premiers exploits d’Ogier le Danois, qu’il a intitulé : Les Enfances Ogier. Voici comment il parle des jongleurs qui avaient traité le même sujet avant lui.

Cil jongleour qui ne sovent rimer
Ne firent force fors que dou tans passer (ne servirent qu’à faire passer le temps, qu’à amuser).
L’estoire firent en plusours lieus fausser.
D’amours et d’armes et d’onnour mesurer
Ne surent pas les poins et compasser.
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Li Rois Adam ne veut plus endurer
Que li estoire d’Ogier le vassal ber
Soit corrompue pour ce i veut penser,
Tant qu’il le puist à son droit ramener.
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