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mental ; mais, dans ce cas, ce devait être un accompagnement très peu marqué. Le chanteur avait pourtant toujours un instrument, une espèce de violon à trois cordes, nommé diversement rabey, raboy, rebek, du mot rebab qui était le nom de cet instrument chez les Arabes d’Orient et d’Espagne, à qui l’on avait pris le nom et la chose.

Quand le chanteur était fatigué et avait besoin de reprendre haleine, il avait recours à son instrument, sur lequel il jouait un air ou une ritournelle analogue au chant du poème. — Le chant épique était de la sorte une alternative indéfiniment prolongée de couplets de paroles chantées, et de phrases de musique instrumentale jouées sur le rabey ou rebab.

Je vous ai parlé souvent des jongleurs, qui, soit pour leur compte, soit au service des troubadours ou des trouvères, allaient de ville en ville et de château en château, chantant les pièces de poésie lyrique, à mesure qu’elles paraissaient et faisaient du bruit. Maintenant, si ces jongleurs étaient les mêmes qui chantaient en public les romans épiques du cycle carlovingien, ou si ces derniers formaient une classe spéciale de jongleurs, c’est un point sur lequel je n’ai pas de certitude. Mais ce qu’il importe de savoir et ce qui n’est pas douteux, c’est que les romans dont il s’agit ne circulaient, n’étaient connus, ne vivaient parmi les masses du peuple, que par l’intermédiaire de jongleurs ambulans qui les chantaient ; c’est qu’il y avait de ces jongleurs qui savaient par cœur une incroyable quantité de ces romans.

C’est donc un fait général hors de doute, que la destination naturelle et première des romans carlovingiens fut d’être chantés, et qu’ils le furent. Mais si l’on veut entrer dans les détails du fait, des doutes, des difficultés se présentent.

Quand il s’agit de romans épiques d’une composition très simple et de peu d’étendue, on conçoit très aisément que ces romans aient été composés pour être chantés en public, et qu’ils l’aient été. — Mais s’il s’agit de romans, tels que sont la plupart des romans du cycle carlovingien que nous avons aujourd’hui, la question se complique et s’obscurcit. Sans parler de ceux de ces romans qui sont une collection faite après coup de