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ROMANS CARLOVINGIENS.

chants isolés qu’à ces époques de barbarie et de semi-barbarie, tout peuple compose toujours sur les événemens qui intéressent son existence et frappent son imagination. Elles ne sont guère que des amplifications probablement un peu ornées de ces derniers chants : en un mot, si elles ne sont pas, historiquement parlant, l’épopée primitive, elles sont du moins ce qui peut le mieux nous la représenter et nous en donner l’idée la plus juste.

Quelques détails feront mieux comprendre ce que je veux dire, et me permettront de le préciser un peu plus.

L’une des branches de ce même roman cyclique de Guillaume-au-court-Nez est intitulée le Charroi de Nismes. C’est, je crois, de toutes, la plus courte : elle ne dépasse guère deux mille vers. Mais en examinant d’un peu près cette branche ou section du roman, on s’assure bien vite que la rubrique en est fausse, et qu’au lieu d’un seul roman, elle en contient réellement plusieurs, parfaitement distincts les uns des autres, bien que diversement liés les uns aux autres.

Le premier est celui auquel convient, en effet, le titre de Charroi de Nismes. C’est un récit fort étrange de la manière dont Guillaume-au-court-Nez conquiert la ville de Nismes sur les Sarrasins. — Il fait faire une grande quantité de tonneaux qu’il remplit de guerriers armés, se déguise en marchand, et introduit à Nismes, comme sa pacotille de marchandises, tous ces tonneaux, d’où ses braves sortent à un signal donné, à-peu-près comme les Grecs sortirent, dans Troie, du fameux cheval de bois ; et les tonneaux pourraient bien n’être qu’une tradition, qu’une dernière version du cheval.

Le roman qui suit le Charroi de Nismes, et qui s’y rattache, est celui même dont je vous ai parlé tout-à-l’heure, celui qui a pour sujet la conquête d’Orange, que les Sarrasins sont censés occuper encore plusieurs années après avoir perdu Nismes. — Je vous ai dit que ce second roman était double, qu’il comprenait deux différentes versions du même thème. Ainsi ce sont réellement trois compositions, trois épopées distinctes qui se rencontrent, ou qui, pour mieux dire, se confondent, sous cette seule rubrique du Charroi de Nismes. Aucune des trois ne peut