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VOYAGE DANS LA COLOMBIE.

la procession qui devait avoir lieu ce jour-là. Le mercredi, à dix heures du matin, elle sortit de la cathédrale, dans l’ordre suivant. D’abord parurent un nombre considérable de pénitens, pieds nus, portant, la plupart, une corde au cou et une couronne d’épines sur la tête ; ensuite une alma santa avec une croix dans ses bras ; deux saints dont j’ai oublié les noms ; un jardin des olives avec un ange consolant notre Sauveur ; un ecce homo auquel saint Pierre, à genoux, paraissait demander pardon ; un énorme crucifix, une descente de croix, et enfin la sainte Vierge vêtue d’une magnifique robe de velours violet, brodée en argent, dont un ange portait la queue. Toutes ces figures étaient loin de marcher rapprochées comme je viens de les énumérer. Entre elles étaient placés les différens ordres religieux, qui tous, sans exception, assistaient à la cérémonie ; les élèves des collèges de San-Fernando et San-Luis, les premiers vêtus de robes noires bordées de blanc ; les seconds, de robes mi-parties de jaune et de rouge, puis nombre de fonctionnaires et d’officiers de tous grades munis de cierges. Derrière la figure de la sainte Vierge, marchaient sept chanoines la tête couverte d’un capuchon de taffetas noir et vêtus de soutanes de la même étoffe, dont la queue avait plusieurs aunes de long ; quatre grandes bannières noires, surmontées de croix rouges, précédaient l’évêque, qui portait le saint-sacrement voilé et fermait la marche. La foule qui accompagnait la procession se précipitait sans cesse sur son passage à mesure qu’elle défilait, et je faillis plus d’une fois être renversé par ce pieux empressement.

Le jeudi-saint, il ne sortit aucune procession ; on ne célébra qu’une messe dans chaque église, après laquelle on éleva un tombeau, emblème de celui où à pareil jour avait été renfermé notre Sauveur. Tous ces tombeaux étaient d’une grande richesse et décorés, avec profusion, de miroirs et de statues, espèces d’ornemens que le malheureux goût des Quiteños prodigue à tout propos. Je me rappelle, entre autres, avoir vu, dans l’église des Augustins, Jésus-Christ avec ses apôtres, tous vêtus de chasubles et faisant la cène.

La procession du vendredi-saint surpasse en splendeur toutes celles des jours précédens, et je me promis bien de ne pas la manquer. Je commençai, le matin, par assister à l’office dans l’église de San Domingo, où je fus obligé de recevoir une bannière et d’aller processionnellement au tombeau chercher l’hostie consacrée pour la communion du prêtre. La manière gauche dont je m’acquittai de cet exercice nouveau pour moi, me tint d’abord au cœur ; mais je m’en consolai en apprenant dans la journée que le colonel Young, Anglais et protestant, avait été obligé, la veille, de figurer dans une cérémonie de ce genre avec un cierge à la main. Le soir je revins dans la même église, d’où devait sortir la procession ; j’y entrai au moment où l’on prêchait la passion. Je vis derrière le maître-autel trois énormes croix ; celle du milieu était vide, aux deux autres étaient suspendus les deux larrons, l’un blanc, l’autre indien