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historiques, statistiques, géographiques d’Holberg, il composa encore quelques comédies assez inférieures, il est vrai, aux premières. Enfin, en 1741, parut en latin l’un des ouvrages les plus singuliers d’Holberg, les Voyages souterreins de Nicolas Klimm. Ce fut le dernier produit de sa veine satirique qui coulait en dépit de lui.

Il mourut 13 ans après, en 1754, riche, considéré, baron, lui qui avait fait une imitation du Bourgeois gentilhomme.

Nicolas Klimm, c’est la plaisanterie de Swift poussée à l’extrême ; c’est une audace de fiction philosophique que seule peut-être pouvait avoir une de ces imaginations du Nord dont le désordre flegmatique ne s’étonne de rien.

Un bachelier norwégien est le héros de cet étrange récit ; cédant à sa curiosité, il se fait descendre, au moyen d’une corde, dans un trou ouvert au milieu des rochers de la Norwège. La corde casse, et le pauvre Klimm tombe dans un monde souterrein où l’attendaient les plus bizarres merveilles. Il ne voit d’abord autour de lui que des arbres, et se croit dans un grand bois. L’approche d’un danger lui fait chercher un moyen d’y échapper : celui qui se présente le plus naturellement, c’est de monter bien vite sur un des arbres qui l’entourent, mais il se trouve avoir fait une grande sottise. Klimm était arrivé dans un pays dont les habitans avaient la forme d’arbres, et celui avec lequel il avait pris cette liberté était la femme du bailli de l’endroit ! De là l’indignation générale contre le téméraire étranger qui est aussitôt arrêté pour avoir manqué de respect à une vertueuse et honorée matrone. Ne sachant pas la langue du pays, il a beaucoup de peine à persuader ses juges de l’innocence de ses intentions. Ce début est d’une bouffonnerie hardie qui étonne tout d’abord l’imagination et ne permet pas à la réflexion éblouie de discuter l’invraisemblance extrême de la donnée. Du reste Holberg ne s’attache point à la réaliser comme Swift parvint à réaliser celle qu’il a choisie. Swift nous fait, avec un grand art, passer peu-à-peu de notre monde dans le monde de ses créations ; ses fictions les plus extraordinaires ont un air de probabilité, offrent des détails si vrais, qu’on se surprend à être