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clos de la polémique ; il le sait, il s’y plaît : c’est un théologien moitié philosophe, moitié tribun, se débattant avec éclat et douleur sous le sentiment et le poids d’une fausse situation ; défenseur de la tradition ; au fond, contempteur de l’église telle que nous la voyons aujourd’hui ; obéissant en frémissant à une autorité qu’il méprise dans le secret du cœur, révolutionnaire au service d’une vieille cause, déchiré par tant d’inconséquences, exhalant son dépit, son chagrin, son désespoir dans des pages qui ne mourront pas.

Comme membre du clergé, M. de la Mennais est curieux à suivre : après la publication du premier volume de l’Essai sur l’indifférence, il se donna à la défense du trône antique, et partagea avec MM. de Châteaubriand et de Bonald l’éclatante responsabilité du Conservateur, où il s’emporta souvent contre la révolution française et contre son siècle. Quand plus tard les intérêts positifs de la contre-révolution fleurirent sous le patronage habile et corrupteur de M. de Villèle, M. de la Mennais se mit à l’écart ; les passions du prêtre effacèrent celles du royaliste ; et c’est alors que, donnant plus de consistance et de régularité aux doctrines ultramontaines de M. de Maistre, l’auteur de l’Essai commença de prêcher et de tenter la séparation de l’église d’avec l’état, et rêva l’alliance du Vatican et de la liberté. Cette fois, tous les gallicans prirent peur : offusqués depuis long-temps de la verve un peu téméraire de M. de la Mennais, ils profitèrent de l’occasion pour crier à l’hérésie, et ce fut un émoi universel parmi les sacristains de la restauration. On n’épargna au prêtre illustre aucune amertume, aucune censure, et monseigneur l’archevêque de Paris lança un élégant mandement contre la seule renommée que possédait l’église. Les archevêques de Paris ne sont pas heureux dans le choix de leurs adversaires ; Christophe de Beaumont provoqua Jean-Jacques : le prélat qui est aujourd’hui notre métropolitain, a attiré sur sa tête les éloquentes réponses de M. de la Mennais : il y a cependant des instincts de prudence qui ne devraient jamais abandonner la médiocrité et la sauveraient du moins des étreintes et des vengeances du génie.