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en présence de ceux qui en jouissent, et de ne rien négliger pour les acquérir. Dans toute démocratie, ce sont les classes inférieures qui sont orgueilleuses et susceptibles, et les classes supérieures qui sont humbles et patientes. Il y a de plus dans toute démocratie une ambition de parvenir et une avidité d’acquérir extrêmes et générales. Les pauvres veulent combler l’intervalle qui les sépare des riches, et ceux-ci le maintenir. Le pouvoir étant au concours, accessible à tous, et cependant ne pouvant être saisi qu’à certaines conditions de lumières et de fortune, tous les citoyens sont poussés en avant par une émulation dévorante et sans relâche, et se coudoient sur la route avec une jalousie passionnée. L’intrigue et tous les moyens semblent bons pour réussir. La machine électorale, toujours en mouvement, engendre les brigues, l’artifice, la calomnie contre les personnes, anime les haines, et contribue à développer toutes les tristes passions qui accompagnent l’émulation portée à l’excès, l’ambition qu’aucune barrière légale ne contient. On trouve amplement tout cela en Amérique, et tout cela y a prodigieusement choqué mistress Trollope. L’orgueil des basses classes et l’humilité hypocrite des hautes lui ont paru insupportables. L’avidité insatiable, l’ambition effrénée, le défaut général de délicatesse et de probité des Américains l’ont révoltée. Elle juge, et nous croyons qu’elle a raison, la moyenne de la moralité américaine fort inférieure à la moyenne de la moralité anglaise. Enfin, ce mouvement sans fin et sans repos de ce peuple, chez qui tout marche, et où jamais rien ne s’arrête, ne se pose, ne s’établit, a paru horriblement fatigant à ses habitudes. Tout cela devait être ; un tel milieu nous serait insupportable comme à elle. La faible partie de toutes celles que nos institutions nous ont donnée, nous est déjà fort désagréable. Quiconque a assisté à une élection en sait des nouvelles ; quiconque lit tous les matins cinq à six journaux peut en donner.

Le mépris des citoyens pour les magistrats et pour les lois, et le respect des magistrats et des lois pour les citoyens, et de là une extrême mobilité en tout, sont une autre conséquence de la vraie démocratie. Comment la nation souveraine pour-