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Au surplus, c’est de cette grande époque que date la conversion de M. Barthélemy. Alors, dit-il,

Alors j’ai ramolli mon ancien caractère.
Je n’ai plus regardé pour voir au ministère
Quels hommes ou quels noms secondant mon désir,
Nous avaient fait à tous un merveilleux loisir ;
Je n’ai pas recherché quelle arme défendue
Rendait à tout Paris sa liberté perdue,
Ni quelle main lançait le bienheureux édit
Qui brûlait l’arsenal du Vendéen maudit.
J’ai pris la plume ; un feu qui dévorait ma tête
A brûlé cette fois ma prose de poète ;
Dites s’il vient du cœur ce style inattendu,
Et si pareil écrit part d’un homme vendu.

Oui, dites cela, si vous en avez le front, messieurs ; dites si ce style n’était pas en effet bien inattendu ; dites-le.

M. Barthélemy, qui, dans son prologue, avait promis de donner un supplément à Sénèque, à La Bruyère et à La Rochefoucauld, nous a tenu parole. Entr’autres maximes et aphorismes de sa façon, en voici de fort remarquables :

Le crime d’aujourd’hui sera vertu demain.
..........
L’homme absurde est celui qui ne change jamais.
Le coupable est celui qui varie à toute heure.

Ainsi, selon la doctrine de M. Barthélemy, on peut changer tous les jours, mais non pas à toute heure : à toute heure, ce serait trop, ce serait fatigant ; changer tous les jours, c’est bien assez, cela laisse une latitude suffisante.

M. Barthélemy dit plus loin que du temps de la Némésis on l’a supplié bien souvent d’attaquer le roi, ce qu’il a prouvé, dit-on, irrécusablement, par la communication des lettres signées que lui écrivaient les provocateurs.

Il ajoute que le canon du 6 juin a brisé sa plume ; que

Quand la société s’écroule, les poètes,
Pour avertir le monde, ont des muses secrètes.

qu’une comète a lui au fond de son âme.

Ayant ainsi, par toutes ces preuves, complété sa justification, il