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ROMANS PROVENÇAUX.

mitivement rédigées en français. J’ai voulu uniquement noter les particularités caractéristiques des fictions dont il s’agit, abstraction faite de leur origine, sauf à chercher plus tard si, de l’idée générale que j’en aurais d’abord donnée, ne résulteraient pas quelques lumières pour découvrir cette origine supposée inconnue, et pour constater la part qu’y pourraient avoir les Provençaux.

Le moment est venu, pour moi, de procéder à cette recherche, mais je crois bien faire de rappeler et d’examiner auparavant l’opinion généralement accréditée à ce sujet. En avoir démontré l’étrange fausseté, ce sera déjà avoir fait un pas vers la preuve de l’opinion contraire.

On ne s’est pas contenté de nier ou de méconnaître l’intervention des Provençaux dans la culture de l’épopée chevaleresque : on a avancé quelque chose de beaucoup plus absolu ; on a soutenu qu’ils n’avaient jamais eu d’autre poésie que leur poésie lyrique, qu’ils n’avaient jamais cultivé les genres épiques ; ce qui impliquerait, de leur part, une sorte d’aversion ou d’incapacité pour ces genres.

Ceux qui ont avancé les premiers une pareille assertion, ne se sont probablement pas aperçus de tout ce qu’elle avait d’invraisemblable : ils n’ont pas eu l’air de soupçonner qu’ils affirmaient un fait qui, s’il était vrai, serait des plus extraordinaires, et même unique en son genre. Ce serait, en effet, un phénomène inoui que celui de populations douées de facultés poétiques incontestables, et ayant une poésie à elles, qui n’eussent pas songé à faire entrer dans cette poésie ce qui en était le thème le plus naturel, le plus simple et le plus fécond, je veux dire le récit, sous une forme quelconque, des événemens locaux. Et l’omission serait ici d’autant plus singulière, que les événemens sur lesquels elle aurait porté étaient de leur nature très-poétiques, très-propres à faire impression sur l’imagination vive et mobile des peuples au milieu desquels ils se passaient. Chez tout peuple fait pour avoir une poésie, c’est toujours par des tentatives pour perpétuer le souvenir des événemens nationaux qu’elle commence. La poésie lyrique supposant toujours un certain dévelop-