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d’un bond sur sa selle, mais songe que ce sang va devenir un ciment qui liera ma fortune nouvelle à la tienne.

Le vieillard qui s’avançait paraissait, à la dignité de son maintien, à la richesse de ses vêtemens, un personnage d’importance. Une douzaine d’esclaves armés le suivaient. Ils s’arrêtèrent lorsqu’ils se rencontrèrent face à face avec Zahed et son compagnon.

— Allah ! bas les armes, esclaves ! cria le compagnon de l’Arabe en faisant voler d’un coup de sabre la tête d’un des serviteurs du vieillard.

— Bas les armes ! répéta Zahed, et d’un coup de pommeau de son pistolet il jeta sur le sable un autre des serviteurs du vieillard. Le vieillard tira son sabre et se précipita sur Zahed, qui, évitant le choc, le jeta lui-même en bas de son cheval. Dès que les serviteurs du vieillard virent leur maître entre les mains de leur ennemi, ils prirent lâchement la fuite après une inutile décharge de leurs armes. L’étranger, accourant aussitôt près du prisonnier, détacha son turban de mousseline, et lui lia les mains derrière le dos.

— Vieillard ! tu me reconnais, n’est-ce pas ? Tu reconnais Hamdoun, l’amant de la fille. Maintenant, de gré ou de force, il me la faut donner !

— Que la volonté de Dieu soit faite, murmura le vieillard. Tu as ma vie entre tes mains ; prends ma vie, mais que le prophète veille sur ma chère Ildiz !

— Tu me la refuses encore ?

— Je te la refuserais quand l’ange Azraël n’exigerait que ce consentement pour m’assurer le rachat de mon ame.

— Eh bien ! prépare-toi donc à la mort.

— À mon âge on est toujours prêt.

— Ali-Ahmed, sais-tu bien que tes riches comptoirs de Damas, de Mossoul et de Baghdad seront perdus pour toi si tu t’obstines à me refuser ta fille. Toutes tes richesses ne te serviront de rien ; je te tuerai. Ton corps restera sans sépulture, et fera le souper de quelque famille de vautours aux cous chauves. Ta famille, tes amis, ne sauront où t’aller pleurer ; et ta fille, ta chère Ildiz, ne pourra pas de ses mains blanches arroser, chaque matin,