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fin du xiiie siècle, époque où commence à être troublée l’obéissance uniforme à l’autorité qui se dégrade insensiblement, tout extravague et tout s’égare. La révolution française est solidaire de toute l’histoire moderne ; il faut nous absoudre ou condamner le monde.

Mais, monsieur, si la révolution française, quelle que fût sa nécessité, n’avait qu’un point de départ illégitime ; si par sa manière de se manifester, elle avait violé un principe éternel, savoir que la révolte n’est jamais permise, si elle avait cessé d’être juste le jour qu’elle devint insurrectionnelle… Examinons. C’est le christianisme qui a enseigné l’obéissance absolue aux puissances, et a voulu en faire une vérité de tous les temps et de tous les lieux. Avant lui, l’antiquité professait le respect aux lois de la patrie, mais elle estimait sainte la résistance à la tyrannie, elle punissait par le bras de chaque citoyen la violation de la cité. Si un usurpateur prenait la place des lois, c’était bien de l’immoler. La liberté antique, sortie de l’exaltation de la force morale, demandait des vengeurs à cette même force : fondée par la justice qui civilise, elle mettait le poignard aux mains de la justice qui frappe. Quand Jésus-Christ vint prêcher les hommes, il leur trouva la tête vide, le cœur corrompu et petit : il n’y avait plus rien des vertus antiques ; l’homme ne vivait plus qu’au caprice de ses appétits ; il fallait le purifier et le changer ; il ne s’agissait plus de sacrifier des tyrans, le monde les méritait, d’évoquer la liberté de Sparte ou de Brutus, morte, morte à jamais. C’était la vérité morale qu’il fallait communiquer non pas au citoyen, mais à l’homme, la résignation, la foi à l’immortalité, un immense désir du ciel qu’il y avait à répandre dans les ames. Aimez-vous, méprisez la terre, supportez la vie comme un fardeau pesant ; aimez les puissances bienfaisantes, supportez les puissances vénéneuses comme des épreuves nécessaires. Cependant le monde est changé, tout est chrétien depuis l’empereur jusqu’au serf ; le spiritualisme de l’Évangile, plein de profondeur et d’humilité, règne dans tous les cœurs. Soyons attentifs ; comment vont marcher les sociétés ? J’observe qu’une fois la théocratie romaine et la féodalité constituées, ni la féodalité ni la théocratie ne veulent s’améliorer