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avaient complètement échoué. C’était une affaire claire ; personne n’en doutait, et sans prendre de plus amples informations, toute la population se livra à la joie. La vérité cependant était que, le 4 décembre, Madrid, quoique pourvue d’une forte garnison et de tout ce qui était nécessaire pour une longue résistance, avait tranquillement cédé à Napoléon en personne.

« Comment les habitans de la Péninsule trouvaient-ils moyen de changer la nouvelle d’une défaite honteuse en celle d’une brillante victoire ? Eux seuls le savent. Mais je défie quiconque ne connaît pas de longue date leur habileté dans cette alchimie politique, de résister à l’espèce d’évidence avec laquelle ils savent dénaturer leurs revers et les présenter à leur avantage. Cela n’a lieu, toutefois, qu’à distance ; car quand le théâtre des événemens est proche, ils suivent une autre pratique. De quelque manière que cela se fût fait, il est certain que le 24 décembre, nous nous réjouissions à Vigo des beaux faits d’armes de Madrid. Des lettres écrites de la capitale elle-même décrivaient la manière dont les habitans s’étaient défendus contre les ennemis. Avant que les Français entrassent en ville, le jour de l’attaque, les habitans, disaient ces lettres, avaient jeté par la fenêtre tout ce que contenaient leurs maisons, sofas, pianos, tableaux, chaudrons, guitares, en un mot, tous les objets, sans exception, qui leur appartenaient. Au moyen de cette pluie de meubles et d’ustensiles, les rues, qu’on dit très-étroites, avaient été barricadées si complètement, que le grand Napoléon et ses légions jusque-là invincibles avaient été subitement mis à quia par cet ingénieux stratagème. Les portes des maisons étant fermées à double tour, comme de raison, les audacieux assaillans avaient perdu la tête dans cet océan de pots et de casseroles, sans savoir comment s’ouvrir un passage au milieu de ces montagnes de lits et de cartons qui s’offraient à eux de toutes parts. La masse entière de la population, ajoutait-on, depuis le premier jusqu’au dernier, s’occupait, pendant ce temps, à défendre la ville. Les femmes et les enfans s’étaient également distingués, les femmes surtout, qui étaient représentées, dans plusieurs lettres que je vis, comme ayant combattu avec un courage et une fureur sans égale.

« Non-seulement cette histoire tout entière était fausse, mais il