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les Arabes, quelques cantons et quelques villes de l’Espagne orientale, et y forment de nouveaux établissemens chrétiens.

Enfin, lorsque les provinces du midi se détachent de la monarchie carlovingienne, les chefs et les peuples de ces provinces continuent à guerroyer contre les Arabes, mais plutôt par zèle de religion et par un commencement d’impulsion chevaleresque, que pour la nécessité de la défense. On ne craignait dès-lors plus guère ces Maures, ces Sarrasins, d’abord si terribles ; la dynastie des Ommiades touchait à sa fin, et l’Espagne était sur le point de retomber dans l’anarchie dont l’avaient tirée les chefs de cette glorieuse dynastie.

On voit, par ce résumé, qu’à l’exception de la courte période où Charles Martel et Pépin firent la guerre aux Arabes, en personne et à la tête des Franks, cette guerre fut toujours soutenue par les Gallo-Romains méridionaux. Auxiliaires naturels des Espagnols de la Galice et des Asturies, les Aquitains, les Septimaniens, les Provençaux partagèrent avec eux la gloire et le devoir de résister aux efforts que fit successivement l’islamisme, d’abord pour pénétrer au cœur de l’Europe, puis pour se maintenir en Espagne.

Rien ne manquait à cette lutte de ce qui pouvait développer et ennoblir l’instinct poétique, déjà alors éveillé dans le midi de la Gaule ; tout s’y combinait pour en relever l’importance : l’enthousiasme de la religion et celui de la bravoure, les brusques alternatives de victoires et de revers, les incidens de guerre imprévus ou singuliers, aisément pris pour des miracles, dans des temps de foi, d’ignorance et de simplicité. Il n’y avait pas jusqu’à l’antique renommée des pays, des montagnes, des cités, théâtres habituels de cette guerre, qui ne contribuât à y répandre une sorte d’intérêt et d’éclat poétiques.

Aussi braves que les chrétiens, les Arabes étaient beaucoup plus civilisés ; et ce fut incontestablement d’eux que vinrent, dans le cours de la guerre, les premiers exemples d’héroïsme, d’humanité, de générosité pour les adversaires, en un mot, de quelque chose de chevaleresque, bien avant que la chevalerie eût un nom et des formules consacrées.