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ROMANS PROVENÇAUX.

Il ne s’agit pas d’examiner ici où Ermoldus a puisé cet épisode, qu’il n’a point inventé. Mais, d’où qu’il vienne, un tel épisode n’est certainement qu’une pure fable.

À l’époque où l’événement est censé se passer, les Arabes ne poussèrent point au-delà de Carcassone, où ils ne s’arrêtèrent que pour piller et dévaster le pays. Ils ne s’avancèrent point cette fois jusque dans les montagnes du Rouergue, où ils n’eurent, en aucun temps, d’établissement ni de forteresse. La fiction poétique ressort de tous les détails de l’aventure, et en ressort avec vigueur et originalité. Une telle fiction est un fait de plus pour prouver combien les imaginations du midi avaient été frappées des invasions des Arabes, combien elles étaient disposées à rattacher à l’existence et à l’influence de ces ennemis redoutés et admirés, le merveilleux poétique auquel elles aspiraient.

Cette aventure de Datus n’excède point les dimensions d’un chant populaire des plus courts, de sorte que nous n’avons jusqu’ici aperçu, dans la période que nous parcourons, aucun indice d’une composition épique d’une certaine étendue, et d’une invention un peu complexe. Mais, à la fin du xe siècle, je trouve des traces certaines de l’existence d’un ouvrage auquel, s’il n’était point en vers, aurait convenu la dénomination de roman, dans son sens moderne, et même très-moderne, car ç’aurait été un roman historique. Mais, roman ou poème, la composition dont il s’agit roulait, en grande partie, sur les Arabes d’Espagne, et ce que j’ai à en dire viendra à l’appui de tous les indices que j’ai déjà donnés de l’influence littéraire de ces derniers sur le midi de la France.

À la fin du xe et au commencement du xie siècle, vivait à Angers un prêtre nommé Bernard, qui était à la tête de l’école épiscopale de cette ville. Ce prêtre avait une grande dévotion à sainte Foi, vierge et martyre, particulièrement honorée dans la ville d’Agen et en beaucoup d’autres lieux du midi. Étant allé à Chartres, dans les premières années du xie siècle, il y passa un certain temps, durant lequel il visita fréquemment une chapelle située hors des murs de cette ville, chapelle dédiée à sa sainte favorite. Là, il eut l’occasion d’entendre beaucoup parler et de s’entrete-