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GÉRARD DE ROUSSILLON.

destinée ; on imagine donc aisément sa désolation, lorsqu’il se voit à son réveil livré sans défense à la merci des hommes et du sort. Le bon ermite qui lui a donné l’hospitalité, le console de son mieux, et le renvoie, pour des consolations plus efficaces que les siennes, à un savant et vénérable prêtre qui mène aussi la vie d’ermite, à quelque distance de là dans la forêt.

Gérard et Berthe prennent le sentier qui leur est indiqué, et trouvent en effet le vénérable personnage qui leur a été annoncé, et qui ne s’aperçoit de leur présence qu’après avoir achevé une longue prière. Il demande alors à Gérard qui il est, et Gérard lui conte rapidement toute son histoire, en ajoutant : « J’ai pourchassé (maintes fois le roi) Charles, de si près qu’il n’aurait pas donné son éperon pour la ville de Paris. Et voilà qu’à la fin il m’a rendu la pareille : il m’a dépouillé de mes honneurs, et m’a pris mes terres. Mais je vais trouver Othon, le roi de Hongrie, et solliciter ses secours. »

L’ermite lui offre un gîte pour la nuit ; et le jour venu, il adresse au comte de pieuses exhortations, l’engageant à se repentir de sa vie passée, et à en faire pénitence. — Je ferai pénitence quand j’aurai donné la mort à Charles, lui répond Gérard. Je n’attends pour cela que d’avoir retrouvé une lance et un écu.

— Eh quoi ! chétif, lui crie alors l’ermite d’un ton austère, dans l’état où tu es, tu parles de te venger de Charles qui t’a vaincu dans ta force et dans ta puissance ! — Je ne le nie point, réplique Gérard ; mais que j’arrive seulement auprès du roi Othon, que je recouvre un cheval et des armes, et aussitôt, chevauchant nuit et jour, je repasse en France. Je connais toutes les forêts où Charles va chasser, et je sais bien où je me vengerai du félon. »

Le pieux ermite réprimande vivement Gérard d’une haine si obstinée, mais sans obtenir de lui qu’il se rétracte et revienne à des sentimens plus doux et plus chrétiens. Berthe peut seule faire ce miracle par ses supplications ; elle se jette aux pieds de son époux, et ne se relève qu’après en avoir obtenu l’assurance qu’il pardonne à Charles et à tous ses autres ennemis. — L’er-