Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
REVUE DES DEUX MONDES.

en a pas une en lui. Il est preux, courtois, poli, doux, franc, de nobles manières et bien parlant. Il est bien enseigné de bois et de rivières, sait jouer aux échecs, aux tables et aux dés. Il n’a jamais refusé de son avoir à personne ; tous en ont eu, les bons et les méchans. Il aime fortement Dieu, sachez bien ; et depuis qu’il est né et vit en cour, il n’a jamais vu faire tort à personne, sans en être au moins affligé, s’il ne pouvait rien de plus. Il aime mieux la paix que la guerre ; mais quand il sent une fois son heaume lacé, son écu au col et son épée au flanc, il devient superbe, farouche, impétueux et sans merci. Plus est grande la foule des ennemis qui le pressent, et plus il est fier et terrible. Il ne reculerait pas alors de la longueur de son pied. Et sachez que cette guerre lui déplaît fort et qu’il en a fait cent fois querelle à son oncle ; mais il n’a jamais pu l’en détourner, et l’a toujours fortement aidé au besoin. Il n’en sera point blâmé par moi, car faillir à son ami, c’est chose inhumaine, méprisée en toute bonne cour. J’aimerais mieux être Foulques, et doué comme lui, que seigneur de quatre royaumes. »

Boson, le frère de Foulques, est le favori de Gérard, et l’on pourrait dire son mauvais génie. Sauf la bravoure, il ne ressemble en rien à son frère ; il n’aime que la guerre, et juste ou inique, il la conseille toujours. C’est le type du seigneur féodal, mettant les passions et les penchans de sa condition à la place des devoirs et des idées de la chevalerie.

Fouchier, qui est aussi un des principaux vassaux de Gérard, est un autre caractère pris immédiatement dans la vérité et la réalité des époques féodales. « Il n’y eut jamais, dit notre romancier, en parlant de lui, si bon espion, ni si bon voleur ; il a volé plus d’avoir qu’il n’y en a dans Pavie. Mais il est de trop haut lignage pour vendre ce qu’il vole (il le donne) ; et de France en Hongrie, il n’y a pas de meilleur comte que lui. »

Deux femmes seulement interviennent dans l’action du roman de Gérard, Berthe et la reine, sa sœur. Il n’est point question de Berthe, et le poète n’a que faire d’elle, aussi long-temps que la guerre dure. Mais, une fois Gérard vaincu, et réduit à la vie de