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GÉRARD DE ROUSSILLON.

que la chose n’est point comme je dis, j’en offre la preuve, et en voici mon gant que je vous présente.

— Maudit soit, dit le roi, qui prendra ce gant avant que je n’aie mis Gérard hors d’état de parler de guerre.

— C’est ce que vous ne ferez point du vivant de Gérard, ni des siens, répond Foulques. Celui-là ne mérite ni honneurs, ni manoir, qui taxera le comte de félonie, et ne voudra pas nous en rendre raison. C’est bien plutôt vous, ô roi ! qui avez été traître et parjure au sujet de Gérard. Des comtes, des ducs, des hommes renommés, le pape lui-même, à qui Rome obéit, avaient reçu votre serment de prendre en mariage la fille du puissant empereur d’Orient, en même temps que Gérard épouserait sa sœur. Mais vous avez fait acte de traître et de faussaire ; vous avez laissé celle qui devait être votre femme, pour prendre la bien-aimée de Gérard. Si quelqu’un de vos flatteurs, à langue tranchante, soutient que vous avez bien fait, qu’il s’avance, et je vous le rends mort ou recru.

— Vous n’aurez point de combat ici, reprend le roi ; vous en aurez assez d’un, de celui où les plus vaillans des vôtres tomberont par milliers, morts et sanglans.

« Là-dessus s’avance Fouchier, le cousin-germain de Gérard. Jamais chevalier plus brave que lui ne fut baisé par dame ; jamais lance ne fut rompue par un plus vaillant. Il va proférer des paroles dont le roi sera courroucé. — Par Dieu, Charles Martel, c’est grande folie à vous de vouloir épouvanter tout le monde. Puisque vous avez faim de guerre, que je sois proclamé couard si je ne vous en rassasie ! Je mènerai contre vous mille chevaliers, dont le moindre vous fera perdre la tête de souci, et j’espère bien accroître mes domaines et mes châteaux d’une part des vôtres.

« À ces paroles, le sang monte au visage du roi, et il prononçait déjà l’ordre de faire pendre tous les messagers de Gérard, lorsque Enguerrand, Thierry, Pons et Richard prennent soudainement la parole. — roi, disent-ils, tu es un roi perdu, si tu commets une pareille bassesse. Il n’y a aucun de nous qui ne t’abandonne aussitôt.