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nier. Qu’il ait cependant ainsi traité ceux-là, à la bonne heure encore. Aucun de ces hommes n’avait prétendu sauver la femme de son esclavage, et s’unir à elle par le libre lien du divin amour. Aucun d’eux n’avait été vraiment aimé d’elle. Aucun d’eux surtout ne l’avait aimée comme l’aime le père. Aucun d’eux n’avait confessé le nom de Dieu dans la passion qui fait vivre le père. Eh bien ! Dieu n’a pas eu plus d’égards pour le père que pour le vulgaire des grands hommes. Dieu a mis le père, sinon sur la croix, au moins à la cour d’assises, et ce qui est plus mal, il ne lui a pas donné la femme qu’il lui avait promise ! Dieu a manqué de parole au père !

Jugeant bien, sans doute, qu’il ne gagnerait rien à se fâcher, le père se calme cependant, et revient au ton de la prière. Il essaie de prendre Dieu par la douceur. A-t-il donc tort de réclamer l’exécution d’une promesse que Dieu lui a faite ? N’est-ce pas Dieu qui l’a inondé à l’avance des pacifiques parfums que la femme exhale ? N’est-ce pas Dieu lui-même qui lui a fait venir la femme à la bouche ? Comment le père ne serait-il pas altéré, lui qui a tant besoin de boire la tendresse ?

Le père ne se plaint donc plus ; il se résigne. Il a bien soif, mais il attend, mais il attendra.

« J’attendrai, » s’écrie-t-il en terminant sa circulaire.

Ainsi soit-il !

Comme nous avons l’habitude de tenir nos lecteurs au courant de toutes les religions nouvelles, nous ne pouvons nous dispenser de leur parler de celle que construit en ce moment M. Amable Bellée.

M. Amable Bellée est, que je sache, le dernier prophète qui ait surgi. Sa doctrine se trouve consignée et développée dans une lettre apostolique et prophétique, adressée par lui, non point aux grands hommes comme la circulaire du père Enfantin, mais tout simplement à messieurs les rédacteurs du journal l’Européen.

Si M. Amable Bellée ne se trompe pas dans ses prophéties, un immense bien-être matériel doit résulter pour l’humanité de leur accomplissement.

Il nous annonce d’abord que de grandes compagnies industrielles dessécheront incessamment les mers intérieures et l’Océan lui-même. On ne conservera de ces immenses réservoirs que la quantité d’eau nécessaire pour former de petits ruisseaux ou des rivières d’agrément. Le surplus de leur lit sera livré à l’agriculture. La terre, embellie alors partout ou presque partout de bosquets, d’arbres contournant des carrés, polygones et serpens de verdure, produira des fruits de moins en moins terreux.

Il est évident que nos desserts gagneront singulièrement à cette nou-