Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
DE LA CHINE.

Tous deux sont dédaignés à la Chine et mis en dehors de la littérature savante. Cette exclusion même est un mérite pour des Européens, car elle nous garantit que les auteurs n’ont eu pour guide que leur goût ou celui de leurs lecteurs, et n’ont point été obligés de soumettre leurs idées et leur style à des données de convention ou à une symétrie pédantesque. Il y a chance pour qu’il se glisse quelque vérité dans ces compositions vulgaires qu’on n’estime pas assez pour les fausser entièrement. M. Rémusat n’a point traduit de drame. Les drames chinois sont composés de prose qu’on récite et de vers qu’on chante. Cette seconde partie, comme tout ce qui est en vers à la Chine, est fort difficile à entendre. M. Rémusat avait fait peu d’efforts pour surmonter ce genre de difficulté qu’il ne tenait pas beaucoup à vaincre ; d’autre part il sentait qu’on ne pouvait, comme l’ont fait le père Amyot et M. Davies qui nous ont donné chacun la version d’un drame chinois, passer entièrement la portion versifiée et chantée, celle à laquelle les spectateurs et les auteurs chinois attachent le plus d’importance. M. Jullien est le premier qui ait traduit une pièce chinoise toute entière, vers et prose ; c’est un tour de force qu’il renouvellera, nous l’espérons, pour quelques portions du répertoire chinois dont il a cent volumes à sa disposition, et qui en contient des milliers.

Quant aux romans, tout le monde a lu les deux Cousines et la spirituelle préface de M. Rémusat, mais on a élevé des doutes sur la fidélité de la traduction. Mettant à part les vers placés à la tête des chapitres ou jetés dans le récit, et que M. Rémusat confessait ne pas entendre toujours, on peut affirmer qu’il traduit non-seulement avec exactitude, mais encore avec minutie et scrupule, calquant autant qu’il est possible la phrase française sur la phrase chinoise, et suivant pas à pas son original. Il est même supérieur, sous ce rapport, au traducteur anglais d’un autre roman chinois, l’Union bien assortie, qui de son côté entend mieux les vers.

La conscience du lecteur étant mise en repos sur ce point, il peut chercher avec toute sécurité dans les deux Cousines une peinture des mœurs d’un grand peuple au moins aussi fidèle que celle