Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/421

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
415
PAQUITA.

— N’allons pas plus loin, lui dit-il d’abord, dès qu’elle fut près de lui ; je vous remercie d’être venue, Paquita. Je ne devais pas vous espérer.

Lorenzo s’interrompit un instant ; sa voix tremblait.

— Oh ! vous savez donc ?… dit Paquita.

— Oui, je sais tout, reprit-il avec calme, je sais que vous n’avez pu vous conserver à moi ; je sais que vous êtes mariée ! vous le voyez, vous n’avez rien à m’apprendre.

La jeune femme avait baissé la tête et pleurait.

— Ne pleurez pas, continua-t-il en lui prenant la main : je ne vous accuse point. Nous n’avons nul reproche à nous faire ; je ne suis plus libre moi-même, j’ai fait mes vœux.

À ce moment on entendit des voix au bas de l’allée et des pas qui s’approchaient.

— Nous ne pouvons nous entretenir plus long-temps ici sans danger pour vous et pour moi, dit Lorenzo, entraînant doucement Paquita dans une autre allée qui descendait au parterre ; mais puisque nous devons renoncer l’un à l’autre, puisque nous devons nous quitter à jamais, avant de nous séparer, n’avons-nous pas quelques souvenirs à repasser ensemble ? N’avons-nous pas d’autres adieux à nous dire ? Dans deux jours je retourne à Madrid et je rentre à mon couvent, dont j’espère bien ne plus jamais sortir ; ce jardin que la foule remplit aujourd’hui sera demain désert ; voulez-vous m’y donner un dernier rendez-vous ? Voulez-vous vous trouver demain soir, après le coucher du soleil, au bord du grand bassin, au pied de la montagne ?

— Oui, je viendrai, répondit-elle sans hésiter.

— J’y compte, Paquita. Demain donc.

— Demain !

Et prenant chacun une allée différente, ils redescendirent au parterre.

Paquita marchait plus légère et moins oppressée que quand elle était venue. Enfin, cette soirée qu’elle redoutait si fort en entrant dans le jardin, s’était passée sans orage. Elle avait revu Lorenzo ! Elle lui avait tout dit, et il ne s’était montré ni furieux ni désespéré ! Il avait pris son parti. Il était raisonnable et résigné comme elle. Et puis c’était encore pour elle un grand soulagement