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s’il s’agissait entre nous d’un adieu véritable ! — Un adieu ! y étiez-vous donc résolue ? ou bien si vous y consentiez, aviez-vous pu penser que je m’y résignerais, moi ?

— Que voulez-vous dire ? expliquez-vous, Lorenzo. N’est-ce pas vous-même qui m’avez hier parlé le premier d’adieux et de séparation ? et d’ailleurs, ne le faut-il pas, en effet, nous quitter ? Ne sommes-nous pas malheureusement déjà séparés ?

— Oh non ! pas encore, au moins, dit Lorenzo avec passion et attirant la jeune femme sur son cœur ; non ! pas encore. N’est-il pas vrai que tu ne le crois pas non plus, que nous puissions nous quitter et vivre l’un sans l’autre ? Non ! tu ne le croyais pas, ma Paquita ! Ne vois-tu pas que je te viens chercher, que je t’emmène ? Cet habit que j’ai pris favorisera notre fuite ; j’ai des chevaux qui nous attendent ; j’ai de l’or maintenant, je suis riche, viens donc. Dans quelques heures nous avons traversé la montagne, nous sommes à Madrid ; en quelques jours nous sommes hors de l’Espagne, libres, à nous pour toujours.

— Êtes-vous insensé, mon ami ? dit Paquita, repoussant doucement le jeune homme, qui la pressait convulsivement dans ses bras. Oubliez-vous que je suis maintenant la femme d’un autre, et que vous appartenez à Dieu ?

— Oh non ! je ne l’ai pas oublié ; mais que nous importe ? Ces engagemens-là ne sont-ils pas nuls ? Quand nous les avons contractés, ne nous appartenions-nous pas l’un à l’autre ? Ne perdons pas, mon amour, de précieux momens en de vains scrupules. Voici que déjà l’on nous attend dans la montagne. Avant de rejoindre nos chevaux, nous avons presque une lieue à faire à pied. Oh ! viens, partons

— Mais vous m’épouvantez, Lorenzo ! Quelle fuite me proposez-vous là ? Voulez-vous donc me perdre ?

— Oh ! je t’épouvante, s’écria le jeune homme, serrant fortement le bras de Paquita, je veux te perdre ! Mais tu ne m’aimes donc plus, malheureuse !

— Vous payez mal la confiance que je vous ai montrée en venant vous trouver seule ici à pareille heure. Et cette violence