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GEOFFROI ET BRUNISSENDE.

probable, c’est que ce fut quelqu’un des nombreux troubadours que Pierre ii attira à sa cour, et qu’il admit dans son intimité, et peut-être le fameux Giraud de Borneilh. C’est du moins celui que je nommerais de préférence parmi tous les autres, si j’étais obligé d’en nommer un. Dans ce cas, on peut bien affirmer que le talent de Giraud était beaucoup plus lyrique qu’épique, mais toujours est-il qu’une composition susceptible d’être attribuée à Giraud de Borneilh ne saurait être dépourvue de tout mérite.

Je donnerai d’abord une idée du fond et de la marche de l’action. Il n’y faut pas chercher un intérêt bien vif, ou d’un ordre élevé ; mais elle ne manque pas d’agrément, et ses incidens variés sont assez ingénieusement groupés autour d’une aventure principale à laquelle ils aboutissent et concourent tous, comme à leur terme et à leur but.

À une des fêtes solennelles de la Table ronde, le jeune Geoffroi se présente à la cour d’Arthur pour être fait chevalier de la main du roi. Il venait à peine d’obtenir cette faveur, lorsqu’un chevalier inconnu, en armure complète, entre à cheval dans la salle du festin, regarde un moment les chevaliers dont elle est pleine, puis tout d’un coup frappe de sa lance un de ceux qui se trouvaient le plus près de la reine Genièvre, et l’étend mort aux pieds de celle-ci. Cela fait, il s’en retourne, et regardant fièrement le roi Arthur : « Mauvais roi, lui dit-il, c’est pour te honnir que j’ai tué ce chevalier ; et si quelqu’un de ceux que voici veut venir à ma poursuite, il n’a qu’à demander Taulat de Richemont. C’est ainsi que je me nomme, et je te promets, chaque année, pareille visite à pareille fête. »

Tous les chevaliers de la Table ronde s’émeuvent pour aller à la poursuite de Taulat et punir l’affront sanglant fait au roi Arthur. Mais Geoffroi, à qui le roi a promis un don, en le faisant chevalier, réclame et obtient la faveur d’aller à la poursuite de Taulat et de le châtier comme il mérite.

Il s’arme au plus tôt, s’élance rapidement sur les traces de l’insolent meurtrier, et l’aurait sans doute bientôt atteint, si rien n’eût contrarié son désir ; mais, à peine engagé dans sa poursuite, il tombe dans diverses aventures qui retardent sa marche, et que je