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Que nul n’ose mot dire pour le contrarier.
S’il fut un moment moine en froc et abbé,
Son monastère lui parut bientôt un lieu si noir,
Qu’il n’eut plus ni bien, ni paix qu’il n’en fût dehors.
Et depuis qu’il a été fait évêque de Toulouse,
Partout le pays s’est répandu un tel feu,
Qu’il n’est plus (au monde) d’eau qui le puisse éteindre.
Déjà plus de dix mille créatures, grandes ou petites,
Ont perdu par lui la vie, l’ame et le corps ;
Et par la foi que je vous dois, à ses œuvres, à ses paroles
Et à sa conduite, il ressemble plus à l’ante-Christ
Qu’à (légat et à) messager de Rome. »

« Comte, dit alors le pape, tu as fait à merveille
Valoir ton droit, mais tu as un peu rabattu du nôtre.
Je saurai ce qui t’est dû et ce que tu mérites,
Et si je trouve que c’est justice,
Ton château te sera rendu tel que tu l’as livré.
Et bien que sainte église t’ait condamné,
Elle te fera merci si Dieu a touché ton cœur ;
Car l’église accueille tout pécheur
Endurci, pervers, égaré et lié, quand elle le voit en détresse.
S’il se soumet à elle et se repent de bon cœur.»

Puis s’adressant aux autres, « écoutez-moi tous, leur dit-il,
Car je veux à tous rappeler ce que j’ai ordonné.
J’ai ordonné à mes disciples de cheminer en pleine clarté,
De porter (aux peuples) feu et eau, pardon et lumière,
Douce pénitence, justice et charité.
Je leur ai ordonné de porter croix et glaive, et d’user sagement de l’un ou de l’autre,
Pour faire régner bonne paix sur la terre.
Quiconque a porté ou prêché autre chose,
Ne l’a point fait par mon ordre, ni selon mon désir. »

Là-dessus Raimond de Rocafols s’est écrié à haute voix :
« Seigneur, vrai pape, ayez merci et pitié
D’un petit orphelin ; d’un pauvre enfant délaissé,
Du fils de l’honoré vicomte de Beziers, livré aux croisés,
Et à Simon de Montfort qui l’a fait périr.
Noblesse et parage sont déchus du tiers ou de moitié,
Le jour où à tort et par grand péché a été martyrisé un tel seigneur,
Tel qu’il n’y a en la cour cardinal ni abbé,