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pendant qu’il obtienne l’assentiment du père suprême. Ce n’est pas, que je sache, à cette liberté là qu’il a prétendu appeler la femme.

La mère Jeanne-Désirée s’adresse à nous dans un langage plus mystique et plus inspiré. Elle prophétise une réforme industrielle et ménagère, accompagnée de la venue de l’élue de Dieu, de la Messie dont la bouche ne restera pas close, ainsi que l’établissement de la religion de l’avenir, belle de l’amour universel.

La mère Susanne, esprit positif et décidé qui ne s’envole pas ainsi par les nuages, s’est chargée de la polémique de l’Apostolat.

Elle censure donc vivement d’abord une madame Laure, qui aurait conseillé lâchement aux femmes nouvelles de garder leur esclavage tel qu’il est.

Elle ne tance pas moins vertement le mari d’une de ses amies, personnage brutal et mal appris qui, fatigué d’entendre parler d’émancipation de la femme, aurait un jour déclaré formellement à la sienne qu’il la regardait comme sa chose, sa propriété, et qu’il donnerait sur elle les étrivières, à toutes les femmes libres ou nouvelles du monde.

Entr’autres concessions préalables et provisoires, la mère Susanne réclame avec insistance et comme palliatif seulement, en premier lieu le divorce à volonté, puis bientôt après l’abolition entière du mariage.

La mère Susanne est une maîtresse femme et jusqu’à ce que le mariage soit aboli, je ne voudrais assurément pas être chargé d’en exercer les droits vis-à-vis d’elle.

J’accorderai, dit-elle, une prime d’encouragement à celui qui me démontrera le pourquoi qui fait que nous devons être soumises à nos maris. Est-ce parce qu’ils sont plus grands (de taille) que nous ? Est-ce parce qu’ils sont plus gros ? Est-ce parce qu’ils sont plus forts ?

Si grand, si gros, si fort que vous soyez, avisez-vous donc en effet de démontrer cela à la mère Susanne, et vous me direz quelle prime d’encouragement vous aurez reçue d’elle.

Ces pauvres hommes ! s’écrie au surplus en terminant la mère Susanne, qu’ils cessent donc de se montrer si récalcitrans, et se hâtent de nous octroyer notre affranchissement définitif ; autrement nous allons le leur demander si haut et d’une voix si étourdissante, nous allons tant crier, si nous ne faisons mieux, qu’ils seront bien contraints de nous l’accorder. Autant vaudrait pour eux s’exécuter de bonne grâce.

En ce qui me concerne, du moins, je me hâte de le déclarer, je m’exécute ; j’abdique ma part de souveraineté, j’affranchis la femme ; car je n’ai nulle envie de me faire tirer l’oreille par la mère Susanne.

Nous ne pouvons mieux compléter l’exposition de l’Apostolat des femmes qu’en donnant quelques extraits d’une lettre adressée à la mère